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est venue près de toi ; tu étais plongé dans un profond sommeil, elle t’a éveillé, et pour te détourner de ta perte, elle t’ouvre un chemin dans elle-même. Ainsi donc la Vérité s’élevant de terre, c’est le Christ naissant de la Vierge ; et si la justice regarde du haut du ciel, c’est pour ramener à la sagesse les hommes que l’injustice en a éloignés.

3. Nous étions mortels, accablés du poids de nos péchés, chargés des châtiments mérités par nous. La vie de chacun ne commence-t-elle point par la souffrance ? Pourquoi chercher des tireurs d’horoscopes ? Questionne l’enfant qui vient au monde, comprends ses pleurs. Eh bien ! la terre entière portait ainsi la colère de Dieu ; mais tout à coup quel éclair de bonté ! « La Vérité s’est élevée de terre ». Celui qui a tout créé, vient d’être créé aussi. Il a fait le jour, il est mis au jour. Le Christ Notre-Seigneur est de toute éternité sans commencement dans le sein de son Père ; il a maintenant son jour de naissance. Au commencement était le Verbe ; si ce Verbe n’avait passé par une génération humaine, jamais nous ne parviendrions à être divinement régénérés ; il est donc né pour nous faire renaître. Le Christ est né, comment hésiter de renaître ? Il a été engendré, mais sans aucun besoin d’être régénéré. Eh ! qui a besoin d’être régénéré, sinon celui qui est condamné dans sa génération même ? Que sa miséricorde donc agisse dans nos cœurs. Sa mère l’a porté dans son sein ; portons-le dans nos âmes. On a vu une Vierge enceinte du Christ incarné ; remplissons nos cœurs de la foi du Christ. Une Vierge a enfanté le Sauveur ; que notre âme à son tour enfante le salut, enfantons aussi la louange ; ne soyons point stériles et que pour Dieu nos âmes soient fécondes.

4. Le Christ est sans Mère quand il est engendré de son Père, et sans Père, quand il est enfanté par sa Mère : générations merveilleuses ! la première est éternelle, la seconde temporelle. L’Éternel est né de l’Éternel. Pourquoi s’en étonner ? Il est Dieu. Qu’on pense à la Divinité, et toute surprise cessera. Qu’on mette de côté l’étonnement pour faire monter des cris de louanges ; aie la foi, crois ce qui s’est accompli. Dieu ne s’est-il pas assez humilié pour toi ? Il était Dieu, et il est né. Quelle étroite étable ! il y est enveloppé de langes et déposé dans une crèche ; qui ne serait surpris ? Il remplit le monde et pour lui il n’y a point place dans une hôtellerie. Quoi ! notre pain céleste placé dans une crèche ! Ah ! que de cette crèche s’approchent les deux peuples, comme deux animaux mystérieux. « Le bœuf a connu son maître, et l’âne, la crèche de son Seigneur[1] ». Ne rougis point d’être pour ton Dieu l’un de ces animaux : tu porteras le Christ et tu ne t’égareras pas ; tues dans le vrai chemin, puisque le Christ te monte. Oui, que le Seigneur nous monte aussi et qu’il nous mène où il lui plaît ; soyons pour lui comme des animaux de charge et allons à Jérusalem. Ce fardeau n’écrase pas, il soulève ; guidés par lui nous ne nous égarerons pas ; par lui allons à lui, afin de partager l’éternelle joie de l’Enfant qui naît aujourd’hui.

  1. Isa. 1, 3.