Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

ainsi : Mon Père et moi nous ne sommes pas, mais nous avons été un ; car il ne serait plus ce qu’il aurait cessé d’être. Cependant la nature d’esclave qu’il s’est unie lui a permis de dire : « Mon Père est plus grand que moi » ; et la nature divine qu’il n’a pas quittée, de dire aussi avec vérité : « Mon Père et moi nous sommes un ». Si donc il s’est anéanti au milieu des hommes, ce n’était pas pour cesser d’être ce qu’il était en devenant ce qu’il n’était pas ; c’était pour voiler ce qu’il était et pour montrer ce qu’il était devenu. Aussi la Vierge ayant conçu et mis au monde ce Fils en qui se manifestait la nature d’esclave, « un enfant nous est né[1] » ; et le Verbe divin qui subsiste éternellement s’étant fait chair pour habiter parmi nous en voilant, tout en la conservant, sa divine nature, nous lui donnons avec Gabriel « le nom d’Emmanuel », Puisqu’il s’est fait homme en demeurant Dieu, nous avons le droit de donner à ce fils de l’homme le nom de « Dieu avec nous » ; sans que l’homme soit en lui une autre personne que Dieu. Tressaille donc, ô monde des croyants, puisque pour te sauver est venu parmi nous le Créateur même du monde. Le Père de Marie est ainsi le Fils de Marie ; le Fils de David, la Seigneur de David ; le descendant d’Abraham existait avant Abraham ; celui qui a formé la terre a été formé sur la terre ; le Créateur du ciel a été créé sous le ciel ; il est en même temps le jour qu’a fait le Seigneur, le jour et le Seigneur de notre cœur. Marchons à sa lumière, réjouissons-nous en lui et soyons transportés d’allégresse.


SERMON CLXXXVIII. LE BUT DE L’INCARNATION.

ANALYSE. – Pourquoi un Dieu, si grand que nous ne pouvons parler convenablement de lui, s’est-il abaissé jusqu’à se faire petit enfant ? C’était pour notre bien, pour appliquer à nos maux les remèdes les plus capables de nous guérir, il montre dans la magnificence de ses desseins en accordant à Marie le double privilège de la virginité et de la maternité réunies.

1. Entreprendrons-nous de louer le Fils de Dieu tel qu’il est dans le sein de son Père, égal et coéternel à son Père, lui en qui tout a été formé au ciel et sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles, lui le Verbe de Dieu et Dieu en même temps, lui la vie et la lumière des hommes ? Aucune pensée, aucune parole humaine n’en seraient capables. Pourquoi s’en étonner ? Notre langue pourrait-elle en effet célébrer dignement Celui que notre cœur ne saurait voir encore, quoique le Verbe y ait ouvert un œil qui pourra le contempler lorsque nous serons purifiés de nos iniquités, guéris de nos infirmités et parvenus à la béatitude que goûteront les cœurs purs en voyant Dieu[2] ? Oui, pourquoi s’étonner que nous ne trouvions pas de paroles pour exprimer cette Parole unique qui nous a appelés à l’existence et invités à dire d’Elle quelque chose ? Cool notre esprit qui forme les paroles que nous méditons et que nous produisons au-dehors ; mais notre esprit est formé à son tour par cette Parole suprême. Quand l’homme forme en soi des paroles, il n’agit pas comme a agi le Verbe en le formant lui-même ; parce que le Père n’agit pas non plus en engendrant son Verbe comme en créant tout par lui. C’est un Dieu qu’engendre alors un Dieu ; et le Fils engendré n’est qu’

  1. Isa. 9, 6.
  2. Mat. 5, 8.