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Tu lis donc l’Apôtre ; de plus tu es trompé, tu trompes aussi. Comment es-tu trompé ? En t’égarant pour ton malheur. Crois-tu ensuite et dissipes-tu cette erreur ? l’Apôtre te dira : « Autrefois vous étiez ténèbres, vous êtes maintenant lumière ». Lumière, dit-il, mais « dans le Seigneur[1] ». Réduit à toi, tu es donc ténèbres, et lumière avec le Seigneur. Incapable de t’éclairer toi-même, tu t’éclaires en approchant de lui, comme tu redeviens ténèbres en le quittant ; n’étant pas ta lumière, tu la reçois d’ailleurs. « Approchez-vous de lui, et soyez éclairés[2] ».

7. Je le vois, mes bien-aimés, ce passage de saint Jean m’a retenu bien longtemps sur une même idée ; je sais aussi que je ne dois ni trop vous fatiguer ni vous donner outre mesure ; il faut également tenir compte de notre propre faiblesse ; car il y a dans ces paroles de saint Jean de nouvelles et immenses profondeurs. En attendant, repoussez ceux qui nient l’Incarnation du Christ, car il est sûr qu’ils ne viennent pas de Dieu. Ils n’en viennent pas, considérés comme égarés, comme pécheurs et comme blasphémateurs ; qu’ils guérissent et ils viendront de lui, car ils en viennent au point de vue de leur nature ; et quoi que j’aie dit sur ce sujet, soyez attentifs à l’enseignement des Écritures, n’ajoutez pas foi à ceux qui nient l’Incarnation du Christ. Tu me feras sans doute cette objection Quoi ! on vient de Dieu quand on reconnaît l’Incarnation du Christ ? Écoutons alors et les Donatistes qui la reconnaissent, et les Ariens qui la confessent également ; écoutons aussi soit les Eunomiens, soit les Photiniens qui professent cette croyance. Si tous les esprits qui admettent publiquement l’Incarnation viennent de Dieu, combien il y a pour l’admettre d’hérésies menteuses, séductrices, insensées ! – A cela que répondre ? Comment résoudre cette difficulté ? Quelle qu’en doive être la solution, elle ne peut se donner aujourd’hui. Je vous la dois, et exigez-la ; mais en même temps implorez le secours de Dieu et pour vous et pour moi. Tournons-nous avec un cœur pur, etc.


SERMON CLXXXIII.
DE LA CROYANCE A L’INCARNATION[3].

ANALYSE. – Nous l’avons dit, ce discours n’est que la suite et comme la seconde partie du précédent. Les Manichéens ne ment pas de Dieu, puisqu’ils n’admettent pas l’Incarnation du Christ. Mais dans quel sens saint Jean dit-il encore que tous si qui l’admettent viennent de Dieu ? Doit-on regarder comme venant de Dieu les Ariens, les Eunomiens, les Sabelliens, les Photiniens ? Doit-on regarder aussi comme animés de son esprit les Pélagiens, les Donatistes et en général tous les hérétiques tous les mauvais catholiques ? Assurément non, car ils professent, au moins en pratique, une idée fausse de Jésus-Christ : les Ariens, en ne reconnaissant pas sa génération éternelle ; les Eunomiens, en n’admettant pas même sa ressemblance avec le père ; les Sabelliens, en le confondant avec lui ; les Photiniens, en ne voyant en lui qu’un homme ; les Donatistes, en croyant qu’il est pas l’Époux de l’Église universelle ; les Pélagiens, en ne voulant pas qu’il ait pris une chair semblable à notre chair de péché. Ainsi en est-il de toutes les hérésies, si nous voulions les examiner en détail. Mais tout en confessant de bouche la vérité de l’Incarnation, les mauvais catholiques la renient par leurs œuvres. C’est à Dieu qu’il faut demander la grâce de conformer sa à sa croyance.

1. L’attente où je vois votre charité, exige que je paie ma dette. Vous vous souvenez, en suis sûr, de ce que je vous ai promis, avec aide du Seigneur, à propos de la dernière dure de saint Jean. Aussi en entendant le lecteur, vous m’avez senti, je n’en doute pas, obligé de m’acquitter. Le précédent discours prenant une longue étendue, nous avons ajourné l’importante question de savoir dans quel sens on doit entendre ces paroles d’une épître du bienheureux Jean, non pas de saint Jean-Baptiste,

  1. Eph. 5, 8
  2. Psa. 33, 6
  3. 1Jn. 4, 2