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SERMON CLXXXII.
DE LA CROYANCE A L’INCARNATION[1].

ANALYSE. – Dans ce discours et dans le discours suivant, qui n’est que comme une seconde partie de celui-ci, saint Augustin veut faire comprendre la vérité de cette assertion de saint Jean l’évangéliste, que tout esprit, croyant véritablement à l’Incarnation, vient de Dieu, et qu’il n’y a pour venir de Dieu que ceux qui y croient de cette sorte. Après avoir rapporté le texte et en avoir établi le sens ; donc, conclut-il, les Manichéens ne viennent pas de Dieu, puisqu’ils nient ouvertement l’incarnation du, Christ. En vain s’appuient-ils sur le texte même de saint Jean pour essayer de prouver la réalité des deux natures opposées qu’ils présentent comme les principes de toutes choses. Il est évident que d’après l’Apôtre c’est l’erreur môme et non l’homme qui ne vient pas de Dieu ; ce qui démontre en même temps que la nature humaine n’est pas une partie de Dieu, puisque Dieu ne saurait se tromper. Or, non-seulement l’homme se trompe, mais il pèche encore très-souvent par faiblesse. L’orateur termine en annonçant qu’il continuera dans le discours suivant le développement du même sujet.

1. Pendant qu’on lisait l’apôtre saint Jean, nous avons entendu l’Esprit-Saint nous dire par sa bouche : « Mes bien-aimés, gardez-vous de croire à tout esprit, mais éprouvez les esprits pour savoir s’ils viennent de Dieu ». Je répète, car il est nécessaire de répéter et d’imprimer fortement, avec la grâce de Dieu, ce texte dans vos esprits : « Mes bien-aimés, gardez-vous d’ajouter foi à tout esprit, mais éprouvez les esprits pour savoir s’ils viennent de Dieu ; parce que beaucoup de faux prophètes se sont élevés dans le monde ». Le Saint-Esprit nous défend donc de croire à tout esprit ; de plus, il fait connaître le motif de cette défense. Quel est ce motif ? « C’est que beaucoup de faux prophètes se sont élevés dans le monde ». D’où il suit que mépriser cette défense et avoir confiance en tout esprit, c’est se jeter nécessairement dans les bras des faux prophètes, et, ce qui est pire, outrager les prophètes de vérité.

2. Une fois sur la réserve, à cause de cette défense, ne va-t-on pas me dire : J’entends, je n’oublierai pas, je veux obéir, car ni moi non plus je ne veux pas me briser contre les faux prophètes ? Eh ! qui voudrait être dupe du mensonge ? Or, le faux prophète est un prophète de mensonge. Voici un homme religieux ; il ne veut pas tromper. Voici un impie et un sacrilège ; il veut bien tromper, mais il ne veut pas être trompé. Il s’ensuit que si les bons ne veulent pas tromper, ni les bons ni les méchants ne veulent être déçus. Qui donc veut être séduit par les faux prophètes ? Je connais le conseil que l’on me donne ; mais ce n’est mais que malgré soi qu’on se laisse abuser par un faux prophète. J’ai entendu cette défense de Jean, ou plutôt du Seigneur s’exprimant par sa bouche : « Gardez-vous de croire à tout esprit ». J’y acquiesce, je veux m’y conformer. Il ajoute : « Mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils viennent de Dieu » ; Comment les éprouver ? Je désirerais le faire ; mais ne puis-je me tromper ? Et pourtant, si je n’éprouve pas les esprits qui viennent de Dieu, je me jetterai inévitablement dans ceux qui ne viennent pas de lui, et conséquemment je serai dupe des faux prophètes. Que faire donc ? Que considérer ? Oh ! si non content de nous avoir dit : « Gardez-vous de croire tout esprit, mais éprouvez quels esprits viennent ! de Dieu », saint Jean nous daignait indiquer encore à quels signes on les reconnaît ! – Eh bien ! ne t’inquiète pas, écoute. « Voici comment se distingue l’Esprit de Dieu », dit-il. Que voulais-tu savoir ? Le moyen d’éprouver que les esprits viennent de Dieu. Or, « voici comment se distingue l’Esprit de Dieu », dit encore saint Jean, saint Jean et non pas moi, et c’est ce qui suit immédiatement dans le passage que j’explique. En effet, après nom avoir avertis d’être sur nos gardes et de ne pas ajouter foi à tout esprit, mais d’éprouver quels esprits viennent de Dieu, attendu que beaucoup de faux prophètes sont entrés dam le monde, il remarqua aussitôt quel désir s’éveillait en nous ; et prévenant ce désir, fixant le regard sur notre pensée silencieuse,

  1. 1Jn. 4, 1-3