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sur la perche du divin soutien, sur la croix du Christ. N’est-ce pas sur cette croix, sur cette perche que pour nous il a répandu son sang ? O fidèles, vous savez quel témoignage vous rendez à ce sang après l’avoir reçu, puisque vous répondez : AMEN. Vous savez quel sang a été versé pour vous obtenir la rémission de vos fautes. Voilà comment l’Église perd ses taches et ses rides, comment elle s’étend après avoir été purifiée sur l’arbre de la croix. C’est dans cette vie même que peut s’accomplir cette transformation ; c’est maintenant que le Seigneur se fait une Église glorieuse, sans ride ni tache ; mais c’est au-delà de ce monde qu’il la fait paraître dans toute sa beauté. Son but est donc de dissiper en nous et les taches et les rides. Grand ouvrier, il est à la fois excellent médecin et artiste incomparable. Après nous avoir ôté nos taches en nous lavant, il nous étend sur le bois sacré pour aplanir nos rides. Quoique sans ride et sans tache, n’y a-t-il pas été étendu lui-même ? Mais c’était pour nous et non pour lui, c’était afin de nous rendre sans tache et sans ride. Ah ! demandons-lui d’achever son œuvre, de nous placer ensuite dans ses greniers, dans ces lieux heureux où nous n’aurons plus à être foulés.

8. Pour toi, qui élevais la voix, tu es bien sans tache et sans ride ? Alors, que fais-tu dans l’Église, puisqu’elle dit : « Remettez-nous nos dettes ? » Elle avoue qu’elle a des dettes à remettre. Ne pas l’avouer, ce n’est pas pour cela n’en point avoir, c’est empêcher que la remise en soit faite. Donc ce qui nous guérit, c’est la confession, c’est la réserve et l’humilité de la vie, c’est la prière faite avec foi, c’est la contrition du cœur, ce sont ces larmes sincères qui jaillissent du fond de l’âme pour obtenir le pardon de ces fautes sans lesquelles il nous est impossible de vivre. Oui, la confession nous guérit ; l’apôtre Jean ne dit-il pas : « Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les a remettre et pour nous purifier de toute iniquité ? » Cependant, de ce que je rappelle que nous ne pouvons être ici-bas sans péché, il ne s’ensuit pas que nous devions nous livrer ni à l’homicide, ni à l’adultère, ni à ces autres péchés mortels qui tuent du premier coup. Ces crimes sont étrangers à tout chrétien animé de la vraie foi et d’une sainte confiance ; il ne commet que des fautes qui peuvent s’effacer par l’oraison de chaque jour. Ainsi redisons chaque jour avec humilité et dévotion : « Remettez-nous nos dettes ». Mais c’est à la condition que nous pratiquerons en même temps ce qui suit : « Comme nous remettons nous-mêmes à ceux qui nous doivent ». Ce contrat est sérieux, c’est un engagement véritable, une condition arrêtée avec Dieu. O homme, si on te doit, tu dois aussi. Mais Dieu, dont tu t’approches pour lui demander la remise de ce que tu lui dois, ne doit rien, et on lui doit, à lui. Cependant voici ce qu’il te dit : Je n’ai pas de dettes, tu en as ; tu me dois en effet, et ton frère te doit. Tu es mon débiteur, tu as aussi un débiteur. Tu es mon débiteur, pour avoir péché contre moi ; ton frère est ton débiteur, pour t’avoir offensé. Eh bien ! ce que tu feras envers ton débiteur, je le ferai avec le mien ; si tu lui fais remise, je te la fais ; si tu tiens à ce qu’il te doit, je tiens aussi à être payé. Mais toi, en ne pardonnant pas, tu fais ton malheur. Ainsi donc, que nul ne prétende être sans péché ; mais aussi gardons-nous d’aimer le péché, haïssons-le, mes frères ; si nous ne pouvons en être complètement exempts, ne laissons pas de le haïr. Évitons d’abord les péchés graves, évitons aussi de toutes nos forces les péchés légers. Pour moi, dit je ne sais qui, je suis sans péché. – Dupe de toi-même, la vérité n’est pas en toi. – Prions avec zèle pour obtenir de Dieu notre pardon ; mais pratiquons aussi ce que nous répétons, et remettons à ceux qui nous doivent, puisqu’on nous remet alors. En redisant et en accordant chaque jour cette grâce, nous l’obtenons pour nous chaque jour. Incapables de vivre ici sans péché, nous en sortirons exempts.