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à la fidélité dans vos rapports avec vos frères. Soufflez, développez en vous cette étincelle précieuse du divin amour. Lorsqu’elle aura grandi, lorsque ses pures flammes auront produit comme un ; immense embrasement, elle consumera en un clin d’œil la paille des passions charnelles.


SERMON CLXXIX. LA PAROLE DE DIEU[1].

Analyse. – La Parole de Dieu nous impose deux devoirs, celui de l’écouter et celui de la pratiquer. I. Il est bien plus sûr d’écouter la parole de Dieu que de l’annoncer, et saint Augustin envie le bonheur de ceux qui n’ont qu’à l’entendre. Ce bonheur n’est-il pas comparable à celui de Marie assise aux pieds de Jésus ? Les œuvres auxquelles se livre Marthe passeront, quoique la récompense méritée par elle ne doive pas passer. Mais l’occupation même de Marie ne passera pas ; elle ne fera que se perfectionner. II. Quant au devoir de pratiquer la divine parole, il pèse sur les prédicateurs comme sur les auditeurs, et tous doivent l’accomplir intérieurement et extérieurement ; intérieurement par la pureté d’intention, extérieurement par la pureté de la vie et sa conformité aux divins commandements. Écouter la sainte parole sans la pratiquer, c’est bâtir sur le sable ; l’écouter et la pratiquer, c’est bâtir sur le roc ; ne faire ni l’un ni l’autre, c’est ne pas même bâtir, c’est rester, sans aucun abri, exposé à tous les dangers. Il faut donc pratiquer, pratiquer sans s’inquiéter des défauts et des vices mêmes qui se peuvent rencontrer dans le prédicateur.

1. Le bienheureux Apôtre Jacques s’adresse aux auditeurs assidus de la parole divine et leur dit. « Pratiquez cette parole, sans vous « contenter de l’écouter ; ce serait vous tromper a vous-mêmes ». Vous-mêmes, et non pas celui qui vous envoie cette parole, ni celui qui vous l’annonce. Cette pensée jaillit de la source même de la vérité, et nous est présentée par la bouche infaillible d’un Apôtre. À notre tour donc, nous nous en emparons avec confiance pour en faire le sujet de cette exhortation ; mais en vous l’adressant nous n’aurons garde de nous oublier nous-mêmes. À quoi servirait de prêcher extérieurement la parole de Dieu, si d’abord on ne l’écoutait dans son cœur ? Sommes-nous assez étrangers à l’humanité et à toute réflexion sérieuse, pour ne comprendre pas les dangers que nous courons en annonçant aux peuples la sainte parole ? Une chose pourtant nous encourage, c’est le secours que nous assurent vos prières au milieu de nos périlleuses fonctions. Mais pour vous montrer, mes frères, combien, à la place que vous occupez, vous êtes plus en sûreté que nous, je vous citerai une autre pensée du même Apôtre : « Que chacun de vous, dit-il, soit prompt à écouter et lent à parler ». Par égard donc à cette recommandation d’être prompts à écouter et lents à parler, un mot d’abord du devoir que nous accomplissons ; et après vous avoir dit pourquoi nous prêchons si souvent, je reviendrai au premier objet de ce discours.

2. Notre devoir est de vous exciter, non-seulement à écouter la parole de Dieu, mais encore à la pratiquer. Quel est pourtant l’homme qui ne nous juge, lorsque peu frappé de cette obligation il lit ces mots sacrés : « Que chacun soit prompt à écouter et lent à parler ? » N’est-ce pas d’ailleurs votre ferveur qui nous force à n’observer pas cette recommandation ? Mais quand je me jette ainsi au milieu des dangers, c’est pour vous une nécessité nouvelle de nous soutenir par vos prières. Toutefois, mes frères, je vais vous faire un aveu auquel je vous demande d’ajouter foi, puisque vous ne pouvez lire dans mon cœur. Pour obéir aux ordres de mon seigneur et frère, votre évêque, ainsi que pour faire droit à vos instances, je vous parle fréquemment : ma joie solide n’est pourtant pas de prêcher, mais d’écouter. Oui, je le répète, ma joie solide est de pouvoir écouter, non pas de prêcher.

  1. Jac. 1, 19-22