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textes, autant que nous le permet le temps dont nous pouvons disposer ; disons quelques mots sur chacun d’eux, évitant, avec la grâce de Dieu, de nous arrêter trop longuement sur l’un au détriment des autres.

2. L’Apôtre veut d’abord nous apprendre à rendre grâces. Or, souvenez-vous que dans la dernière leçon, celle de l’Évangile, le Seigneur Jésus loue le lépreux guéri qui le remercie, et blâme les ingrats qui conservent dans le cœur la lèpre qu’il a effacée de leur corps. Comment donc s’exprime l’Apôtre ? « Une vérité sûre et digne de toute confiance ». Quelle est cette vérité ? « C’est que Jésus-Christ est venu au monde ». Pourquoi ? « Pour sauver les pécheurs ». Et toi, qu’es-tu ? « Dont je suis le premier ». C’eût été de l’ingratitude envers le Sauveur, de dire : Je ne suis, je n’ai jamais été pécheur. Car il n’est aucun des descendants mortels d’Adam, il n’est aucun homme absolument qui ne soit malade et qui n’ait besoin pour guérir de la grâce du Christ. Que penser des petits enfants, si tous les descendants d’Adam sont malades ? Mais on les porte à l’Église ; ils ne peuvent y courir encore sur leurs propres pieds ; ils y courent sur les pieds d’autrui pour y chercher la guérison. L’Église notre mère leur prête en quelque sorte les pieds des autres pour marcher, le cœur d’autrui pour croire et, pour confesser la foi, la bouche d’autrui encore. Si la maladie qui les accable vient d’un péché qu’ils n’ont pas commis, n’est-il pas juste que la santé leur soit rendue par une profession de foi faite par d’autres en leur nom ? Que nul donc ne vienne murmurer à vos oreilles des doctrines étrangères. Tel est l’enseignement auquel l’Église s’est toujours attachée, qu’elle a professé toujours ; l’enseignement qu’elle a puisé dans la foi des anciens et qu’elle conserve avec persévérance jusqu’à la fin des siècles. Dès que le médecin n’est pas nécessaire à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui sont malades, l’enfant, s’il n’est pas malade, a-t-il donc besoin du Christ ? Pourquoi, s’il a la santé, ceux qui l’aiment le portent-ils au Médecin ? S’il était vrai qu’au moment où ils courent à lui entre des bras dévoués, ils n’eussent aucune souillure originelle, pourquoi ne dirait-on pas dans l’Église même à ceux qui les présentent : Loin d’ici ces innocents ; ceux qui se portent bien n’ont pas besoin de Médecin, mais ceux qui sont malades ; le Christ n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs[1] ? Jamais pourtant l’Église n’a tenu ce langage ; elle ne le tiendra jamais. À chacun donc, mes frères, de dire ce qu’il peut en faveur de ces petits qui ne peuvent rien dire. Si l’on a soin de recommander aux évêques de veiller sur le patrimoine des orphelins ; avec combien plus de soin encore ne doit-on pas leur recommander de veiller sur la grâce des petits enfants ? Si pour empêcher les étrangers d’opprimer l’orphelin après la mort de ses parents, l’évêque s’en fait le tuteur ; quels cris d’alarmes ne doit-on pas pousser en faveur des petits, lorsqu’on craint que leurs parents mêmes ne les mettent à mort ? Ne doit-on pas répéter avec l’Apôtre : « Une vérité sûre et digne de toute confiance, c’est que Jésus-Christ est venu au monde » uniquement « pour sauver les pécheurs ? » Quiconque recourt au Christ a sans doute quelque infirmité à guérir ; pourquoi, si l’on n’a rien, courrait-on au Médecin ? Que les parents choisissent donc entre ces deux partis : avouer que le Christ guérit dans leurs enfants la maladie du péché, ou cesser de les lui offrir ; car ce serait conduire au Médecin celui qui est en pleine santé. Que présentes-tu ? – Quelqu’un à baptiser. – Qui ? – Un enfant. – À qui le présentes-tu ? – Au Christ. – Au Christ qui est venu au monde ? – Oui. – Pourquoi y est-il venu ? – « Pour guérir les pécheurs ». – L’enfant que tu présentes a donc en lui quelque chose à guérir ? Si tu dis oui, cet aveu sert à dissiper son mal ; il le garde, si tu dis non.

3. « Pour guérir les pécheurs, dont je suis le premier ». N’y avait-il point de pécheurs avant Paul ? Mais Adam fut sûrement le premier de tous ; la terre était couverte de pécheurs lorsqu’elle en fut purifiée par le déluge, et combien, depuis, se sont multipliés les pécheurs ! Comment dire alors : « Dont je suis le premier ? » Il est le premier, non en date, mais en énormité. C’est l’énormité de son péché qui – lui a fait dire qu’il était le premier des pécheurs. Ne dit-on point, par exemple, qu’un homme est le premier des avocats, pour exprimer, non pas qu’il plaide depuis plus longtemps que les autres, mais qu’il l’emporte sur eux ? Aussi bien, voici comment il dit ailleurs qu’il était le premier des pécheurs : « Je

  1. Mat. 9, 12-13