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dans son unité devait parler tous les idiomes, comme un même homme les parlait tous alors. Les témoins de cette merveille furent saisis d’effroi. Ils savaient que les disciples étaient sans instruction et ne connaissaient qu’une langue. Comment donc ne pas s’étonner, n’être pas surpris que des hommes qui ne connaissaient qu’une langue, deux tout au plus, s’exprimassent tout à coup dans tous les idiomes ? Frappés d’un tel prodige, leur orgueil s’abat, ces montagnes deviennent des vallées. Oui, en devenant humbles ils deviennent des vallées ; ils recueillent sans la laisser perdre la grâce qui se répand en eux. En tombant sur une cime altière, l’eau coule et se précipite ; mais elle reste, mais elle pénètre, quand elle descend sur un terrain bas et profond. C’est l’image de ce que devenaient ces esprits orgueilleux : l’étonnement et l’admiration prenaient en eux la place de la fureur.

4. Aussi se livrèrent-ils à la componction pendant que Pierre leur parlait, et l’on vit s’accomplir en eux cette prédiction d’un psaume : « Je me suis plongé dans la douleur, pendant que l’épine me pénétrait de son aiguillon[1] ». Que signifie ici l’épine, sinon cette componction de la pénitence, dont il est parlé en termes formels dans ce passage sacré des Actes des Apôtres : « Ils furent touchés de componction au fond de leur cœur et dirent aux Apôtres : Que ferons-nous ? » Qu’y a-t-il dans ce mot : « Que ferons-nous ? » Nous savons, hélas ! ce que nous avons fait ; désormais « que ferons-nous ? » En considérant nos œuvres passées, nous ne pouvons que désespérer du salut ; ah ! s’il y a pour nous quelque espoir encore, donnez-nous un conseil. Nous savons ce que nous avons fait ; dites maintenant ce que nous avons à faire. Qu’est-ce, hélas ! que nous avons fait ? Ce n’est  pas un homme quelconque que nous avons mis à mort ; et pourtant quelle iniquité déjà nous aurions commise en mettant à mort un innocent quel qu’il fût ! Mais nous avons sauvé le larron et donné la mort à l’Innocent ; nous avons opté pour le cadavre, et tué notre Médecin. Ah ! « que ferons-nous ? » veuillez nous l’apprendre. « Faites pénitence, répondit Pierre, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Vous quitterez ainsi les quatre-vingt-dix-neuf pour faire partie du nombre cent. Quand vous étiez dans les quatre-vingt-dix-neuf, vous ne croyiez pas avoir besoin de pénitence, vous alliez même jusqu’à outrager le Sauveur pendant qu’il appelait à lui les pécheurs pour les porter à la pénitence. Maintenant donc que vous êtes pénétrés de componction à la vue de votre crime, « faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur » ; au nom de Celui que vous avez mis à mort, quoique innocent ; et vos péchés sont effacés. Ce langage rappela en eux l’espérance ; ils pleurèrent, ils gémirent, ils se convertirent et furent guéris[2]. C’était l’effet de cette prière : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».

5. Néanmoins, mes très-chers frères, en entendant dire que Notre-Seigneur Jésus-Christ n’est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs, que nul ne se plaise dans le péché ; que nul ne dise en soi-même : Si je suis juste, le Christ ne m’aime pas ; il m’aime au contraire si je suis pécheur, puisqu’il est descendu du ciel, non pas pour les justes, mais pour les pécheurs. On pourrait te répondre : Dès que tu vois en lui le Médecin, pourquoi ne redouter pas la fièvre ? Oui, il est le Médecin qui s’approche du malade ; mais il ne s’en approche que pour le guérir. Que penser alors ? que conclure ? que certifier ? Est-ce la maladie, n’est-ce. pas la santé que recherche le Médecin ? Ce qu’il aime, ce n’est pas ce qu’il rencontre, mais ce qu’il veut produire. Sans doute il s’approche du malade et non de celui qui a la santé : ce n’est pas toutefois ce qu’il faut considérer ; car il préfère réellement la santé à la maladie ; et pour vous en convaincre, adressez-vous cette simple question : Chercherait-il à rétablir la santé, s’il l’avait en horreur ?

6. Revenons à l’Apôtre : « Une vérité sûre et digne de toute confiance, c’est que Jésus-Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier » – « Dont je suis le premier ? » Comment ? Est-ce qu’avant lui il n’y eut point parmi les Juifs d’innombrables pécheurs ? Est-ce qu’il n’y en eut point un nombre immense au sein de l’humanité ? Est-ce que parmi tous les hommes il n’y en eut pas un seul d’assujetti à l’iniquité ? Le premier

  1. Psa. 31, 4
  2. Act. 2, 1-8.37-47