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ainsi, non pas des trésors de miséricorde, mais des trésors de colère. Ne croyez donc pas que les morts acquièrent de nouveaux mérites quand on fait du bien pour eux ; ce bien est en quelque sorte la conséquence de leurs mérites antérieurs. Il n’y a pour en profiter que ceux qui ont mérité pendant leur vie d’y trouver un soulagement après leur mort. Tant il est vrai que nul ne pourra recevoir alors, que ce dont il se sera rendu digne auparavant !

3. Laissons donc les cœurs pieux pleurer la mort de leurs proches, et verser sur eux les larmes que provoque la vue de ce qu’ils ont souffert : seulement que leur douleur ne soit pas inconsolable, et qu’à leurs douces larmes succède bientôt la joie que donne la religion en nous montrant que si les fidèles s’éloignent de nous tant soit peu au moment du trépas, c’est pour passer à un état meilleur. Je veux aussi que nous leur portions des consolations fraternelles, soit en assistant aux funérailles, soit en nous adressant directement à leur douleur, et qu’ils n’aient pas sujet de se plaindre et de dire : « J’ai attendu qu’on compatit à ma peine, mais en vain ; qu’on me consolât, et je n’ai trouvé personne[1] ». Chacun peut, selon ses moyens, faire des funérailles et construire des tombeaux : l’Écriture met cela au nombre des bonnes œuvres ; elle loue, elle exalte non-seulement ceux qui ont rendu ces devoirs aux patriarches, aux autres saints et aux autres hommes indistinctement, mais encore ceux qui ont honoré de cette manière le corps sacré du Seigneur : c’est pour les vivants un dernier devoir envers les morts et un allégement à leur propre douleur. Quant à ce qui profite réellement aux âmes des morts, savoir les offrandes sacrées, les prières et les distributions d’aumônes, qu’ils s’y appliquent avec beaucoup plus de soin de persévérance et de générosité, s’ils ont pour leurs proches, dont le corps est mort et non pas l’âme, un amour vraiment spirituel et non-seulement un amour charnel.


SERMON CLXXIII.
LES CONSOLATIONS DE LA MORT[2].

ANALYSE. – L’horreur que nous inspire la mort semble venir, premièrement, du danger que court l’âme en quittant ce monde pour aller dans un autre, et secondement de ce qu’elle est forcée de se séparer du corps, pour lequel elle ressent une invincible sympathie. Quelles ne sont pas ici les consolations que donne la pratique fidèle de la religion[3]. Quand, en effet le chrétien meurt dans l’état où il doit être, premièrement, il passe à un monde incomparablement meilleur, et secondement il ne quitte momentanément son corps que pour le reprendre quand ce corps sera glorieusement transformé.

1. Lorsque nous célébrons les jours consacrés à nos frères défunts, nous devons nous rappeler et ce qu’il faut espérer et ce qu’il faut craindre. Il faut espérer, car « la mort des « saints est précieuse devant le Seigneur[4] » ; nous devons craindre aussi, car « la mort des pécheurs est horrible[5] ». Pour exciter l’espoir il est dit : « La mémoire du juste sera éternelle[6] ; et pour pénétrer de frayeur : « Il ne redoutera point la parole affreuse[7] ». La parole la plus affreuse qui se puisse entendre sera celle-ci, adressée à la gauche : « Allez au feu éternel ». Le juste ne redoutera point cette terrible parole ; car il sera placé à la droite, parmi ceux à qui il sera dit : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume[8] ». Cette vie tient le milieu entre les biens extrêmes et les extrêmes maux ; c’est un mélange de biens et de maux médiocres, de biens et de maux qui sous aucun rapport ne sont élevés au degré suprême. Aussi, de quelques biens que jouisse maintenant l’homme, ces biens ne sont rien, si on les compare aux biens éternels ;

  1. Psa. 68, 21
  2. 1Th. 4, 12-17
  3. Psa. 115, 15
  4. Psa. 115, 15
  5. Psa. 115, 15
  6. Psa. 33, 22
  7. Psa. 102, 7
  8. Mat. 25, 41, 34