Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée


dangers ; en dehors même des cas imprévus, il nous est impossible de vivre longtemps. La vie humaine, même complète, est courte. De l’enfance à la vieillesse décrépite elle est courte. Si Adam avait vécu jusqu’ici et qu’il mourut aujourd’hui, que lui importerait sa longue vie ? Ajoutez que le moment où la mort semble devoir arriver naturellement est toujours incertain, à cause ales maladies qui peuvent survenir. Des hommes meurent chaque jour ; ceux qui survivent forment leur convoi, célèbrent leurs funérailles et se promettent de vivre encore. Personne ne dit : Je me corrigerai pour n’être pas comme ce défunt que j’ai conduit.
Vous aimez les paroles ; je demande des actes. Veuillez ne me point attrister par vos mœurs corrompues : car je n’ai dans cette vie d’autre plaisir que votre bonne vie.


SERMON XVIII. POURQUOI LE JUGEMENT DERNIER[1].

ANALYSE. – Autant le premier avènement du Sauveur a été caché, autant le dernier sera éclatant. Pourquoi ? – 1 Malgré les traits de justice que Dieu fait briller quelquefois dans ce monde, il n’est pas moins vrai que les biens et les maux paraissent également distribués entre les bons et les méchants. 2 n’en est rien cependant, car les bons et les méchants amassent inégalement des trésors inadmissibles de mérite ou de colère. Le résultat de leur travail est secret ; il faut le faire briller au grand jour. – 2 Or c’est ce que Jésus-Christ fera de la manière la plus solennelle au jugement dernier. Il mettra en relief les vertus et la récompense des uns ; les crimes et les châtiments des autres. Donc empressons-nous de faire pénitence. N’ayons ni présomption ni désespoir.


1. Recevez avec plaisir, comme encouragement à votre charité, les quelques réflexions que m’inspire le Seigneur à l’occasion de ce psaume. C’est de Jésus-Christ notre Seigneur que doivent s’entendre ces paroles prophétiques que nous venons d’ouïr et de chanter : « Dieu viendra avec éclat ; c’est notre Dieu et il ne gardera point le silence. » En effet le Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et Fils de Dieu, est venu voilé dans son premier avènement, dans le second il viendra avec éclat. Quand il est venu voilé, il ne s’est fait connaître qu’à ses serviteurs ; lorsqu’il viendra avec éclat, il se manifestera aux bons et aux méchants. En venant voilé il venait pour être jugé ; en venant avec éclat il viendra pour juger. Enfin il garda le silence lorsqu’on le jugeait et c’est de ce silence que le prophète avait dit : « Il a été conduit comme une brebis à l’immolation, et comme l’agneau devant celui qui le tond, il n’a pas ouvert la bouche[2]. Mais notre » « Dieu viendra avec éclat ; c’est notre Dieu et il ne gardera point le silence. Il ne se taira point » lorsqu’il jugera, comme il s’est tu lorsqu’il était juge. Maintenant il ne se tait point pour qui veut l’entendre mais il est dit qu’alors « il ne gardera point le silence », parce que sa voix sera reconnue de ceux-mêmes qui le méprisent aujourd’hui. Il est des hommes qui se rient des commandements de Dieu lorsqu’on en parle présentement, et parce qu’ils ne voient ni ses promesses réalisées ni ses menaces accomplies, ils se moquent de ses préceptes. Carte qu’on appelle la félicité de ce monde est égaiement pour les méchants : les bons éprouvent aussi ce qu’on nomme le malheur de ce monde ; et les mortels qui voient le présent et ne croient pas à l’avenir remarquent que les biens et les maux du siècle sont distribués indistinctement aux bons et aux méchants. Désirent-ils les richesses ? Ils les voient aux mains des plus coupables comme aux mains des hommes de bien. Ont-ils horreur de la pauvreté et des misères du siècle ? Ils observent aussi que les méchants en souffrent comme les bons, et ils disent dans leur cœur que Dieu ne regarde ni ne dirige les choses humaines et qu’il nous laisse rouler au hasard dans l’abîme de ce monde, sans prendre aucun soin de nous. Ainsi méprisent-ils le commandement parce qu’ils ne sont pas témoins de l’éclat du jugement.
2. On devrait cependant remarquer que maintenant même Dieu regarde et juge, quand il le veut, sans différer, et qu’il diffère quand il lui plaît. Pourquoi ? Parce que, si jamais il né jugeait dans cette vie, on croirait qu’il n’y a pas de Dieu, et si présentement il jugeait tout, il ne réserverait rien pour le jugement à venir. Il est donc beaucoup de choses qu’il réserve, il en est quelques-unes qu’il juge actuellement ; son

  1. Ps. 49, 3
  2. Is. 53, 7