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qu’après avoir reçu un sacrement spirituel et vivant, vous en fassiez le sacrifice pour recevoir ensuite, des étrangers, un sacrement sans vie? C’est en effet le même Apôtre qui dit ailleurs : « L’esprit vit à cause de la justification ; » et encore : « La prudence de la chair est la mort[1]*. » Ces paroles et d’autres semblables éveillent cette mère ; la lumière du matin frappe ses yeux, lorsque la parole de Dieu, c’est-à-dire le Christ qui se levait ou qui parlait dans Paul, dissipe les ombres de la Loi. N’était-ce pas les dissiper que d’écrire : « Dites-moi, vous qui voulez être sous la loi, n’avez-vous pas lu la loi ? Car il est écrit Abraham eut deux fils, l’un de la servante et l’autre de la femme libre. Mais celui de la servante naquit selon la chair, et celui de la femme libre, en vertu de la promesse. Ce qui a été dit par allégorie. Car ce sont les deux Alliances : « l’une sur le mont Sina, engendrant pour la servitude, est Agar, puisque Sina est une montagne d’Arabie qui se rattache à la Jérusalem actuelle, laquelle est esclave avec ses enfants ; tandis que la Jérusalem d’en haut est libre[2].» Les œuvres mortes font mourir et les œuvres spirituelles font vivre. Est-il donc étonnant que le mort appartienne à la Jérusalem d’en bas, et que le vivant soit citoyen de celle d’en haut ? Le lieu des morts, l’enfer, n’est-il pas en bas ? La patrie des vivants, le ciel, n’est-il pas en haut ? A cette lumière, comme à celle du matin, l’Église voit le prix de la grâce spirituelle. Aussi elle rejette, comme l’enfant mort de l’étrangère, les œuvres charnelles de la loi et revendique pour elle la foi vivante, celle dont vit le juste, comme il est écrit[3]. Elle l’a obtenue au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit : aussi reconnaît-elle avec certitude ce fils de trois jours, elle ne souffre pas qu’on le lui ravisse.
3. Que la Synagogue crie maintenant que l’Évangile est à elle, qu’il lui est dû, qu’elle l’a comme enfanté. C’est ce qu’au milieu des débats disaient aux Gentils les Juifs charnels qui osaient se proclamer Chrétiens ; ils prétendaient qu’ils avaient mérité l’Évangile parleur œuvres de justice. Mais il ne leur appartenait pas, puisqu’il ne l’entendaient point dans le sens spirituel. Ainsi donc en se prétendant Chrétiens, ils se glorifiaient d’un nom qui n’était point le leur, et comme cette femme qui réclamait le fils qu’elle n’avait point mis au monde, ils osaient plaider. Après avoir exclu toute signification spirituelle des observances légales et avoir ainsi fait disparaître l’âme, après avoir éteint l’esprit de vie dans les oracles des prophètes, ils s’en tenaient aux œuvres mortes, c’est-à-dire aux œuvres qu’ils n’entendaient point au sens spirituel, et ils voulaient les faire adopter aux gentils pour leur enlever le nom chrétien, comme un fils plein de vie.L'Apôtre les réfute de la manière suivante d’après son enseignement, ils ont d’autant moins droit à la grâce chrétienne qu’ils la revendiquent avec plus d’orgueil comme étant due à leurs œuvres. « À celui qui travaille, dit-il, le salaire n’est point attribué comme une grâce, mais comme une dette. Au contraire, à celui qui ne fait pas les œuvres, mais qui croit en Celui qui justifie l’impie, la foi est imputée à justice [4]. » C’est pourquoi il les retranche du nombre même des Juifs qui avaient cru et s’attachaient à la foi vivante et spirituelle. Il dit de ceux-ci qu’ils sont le reste sauvé du peuple juif, quand la multitude s’est perdue. « De même donc aussi en ce temps, dit-il, un reste a été sauvé selon l’élection de la grâce. Mais si c’est par la grâce ce n’est point assurément par les œuvres : autrement la grâce ne serait plus grâce[5]. » Il veut ainsi exclure de la grâce ces superbes qui revendiquent l’Évangile comme une récompense due et accordée à leurs œuvres. La Synagogue semblait crier : C’est mon fils ; mais elle mentait. Elle aussi l’avait reçu ; mais elle l’avait mis à mort dans son sommeil, c’est-à-dire dans son orgueilleuse raison. Cependant la vraie mère était éveillée déjà ; femme de mauvaise vie, elle comprenait que ce n’était pas à cause de ses mérites, mais uniquement par grâce, que Dieu lui avait accordé un fils, le don de vivre selon la foi de l’Évangile, qu’elle désirait faire vivre sur son cœur. Ainsi l’une cherchait la gloire des hommes en s’appropriant un fils qui n’était pas à elle, et l’autre conservait pour son propre fils toute l’affection de son cœur.
4. Que nous apprend le jugement prononcé par le Roi sur ces deux femmes ? Évidemment à combattre pour la vérité ; à repousser, comme une fausse mère, l’hypocrisie qui veut se jeter, comme sur l’enfant d’une autre sur les dons spirituels de l’Église, et à ne pas souffrir qu’incapable de conserver la grâce qui lui a été accordée, elle reçoive le pouvoir de la dispenser aux fidèles. Cette défense et ce combat ne doivent pas aller néanmoins jusqu’au schisme. En ordonnant de

  1. Rom. 3, 10, 6
  2. Gal. 4, 21-26
  3. Rom. 1, 17
  4. Rom. 4, 4-5
  5. Id. 2, 5-6