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être trompé ? Mais il ne se trompe ni ne ment, et c’est de lui que s’entendent et que doivent s’entendre littéralement ces paroles écrites quelque part : On ne dit rien de faux au Roi, et rien de faux ne sortira de sa bouche. Si Roi ne désigne ici qu’un roi ordinaire, il est certain que nous devons à ce roi préférer le Christ, le Roi suprême. Si au contraire il n’est question ici que du Christ, ce qui est plus véritable, car on ne lui dit rien de faux puisqu’il ne se trompe pas, et rien de faux ne sortira de sa bouche puisqu’il ne ment pas, cherchons quel sens il faut donner au passage de l’Évangile que nous étudions et gardons-nous d’invoquer une autorité céleste pour creuser l’abîme du mensonge. Ne répugne-t-il pas de chercher à établir la vérité dans le dessein d’accréditer le mensonge ? Toi qui m’expliques le texte évangélique, que prétends-tu m’apprendre ? que veux-tu m’enseigner ? Tu n’oserais sans doute répondre : Je viens t’enseigner ce qui est faux ; car si tu me faisais cette réponse, à l’instant je détournerais les oreilles, je les fermerais avec des épines et si tu voulais en forcer l’entrée je m’éloignerais tout blessé, plutôt que d’entendre ton explication mensongère de l’Évangile. Dis-moi ce que tu veux m’enseigner, et la question sera résolue, dis-le-moi, je t’en prie : me voici ; j’ai l’oreille ouverte et le cœur préparé, parle. Que vas-tu me dire ? Pas de détours ; que vas-tu m’enseigner ? Quelque doctrine que tu veuilles exposer publiquement, quelles que soient les preuves que tu invoques à son appui, dis-moi seulement, réponds à cette question disjonctive : Est-ce la vérité ou le mensonge que tu veux m’enseigner ? – Que va-t-il répondre pour m’empêcher de m’éloigner, de le quitter sans hésitation, au moment même où déjà il ouvre la bouche et cherche à me parler ? Ne promettra-t-il pas de ne dire que la vérité ? Je l’écoute donc, je suis immobile, j’attends, et j’attends avec la plus grande attention. Et cet homme qui promet de me dire la vérité, ose accuser le Christ de mensonge ? Comment me dira-t-il la vérité, s’il représente le Christ comme un menteur ? Si le Christ ment, puis-je espérer que tu ne mentes pas ?
6. Autre observation. Que dit mon adversaire ? – Que le Christ a menti. – Comment a-t-il menti ? – En disant qu’il n’irait pas à la fête tandis qu’il y est allé. – Je voudrais d’abord sonder ce passage ; peut-être y découvrirais-je que le Christ n’a point menti. Je suis même sûr que le Christ n’a point menti, et en examinant ses paroles je parviendrai à les comprendre, ou bien si je ne les comprends pas, je me promettrai d’y revenir plus tard ; mais je ne dirai jamais que le Christ a menti. Oui, si je ne les comprends pas, j’avouerai mon ignorance : jointe à la piété, elle est préférable à une présomption insensée. Essayons néanmoins d’approfondir ce passage ; il est possible qu’aidés de Celui qui est la Vérité même, nous y découvrions quelque lumière qui nous édifie. Ce que nous découvrirons ne saurait être un mensonge émané de la Vérité ; et si nous voyions là un mensonge, nous pourrions être sûrs de ne rien voir. Quand donc prétends-tu que le Christ a menti ? – Quand il a dit qu’il n’irait pas à la fête et qu’il y est allé. – Où as-tu appris qu’il a dit cela ? Et si je te disais à mon tour, ou plutôt si un autre que moi te disait, car à Dieu ne plaise que je tienne ce langage ! que le Christ n’a point parlé ainsi ? Comment le réfuterais-tu ? Comment lui démontrerais-tu son erreur ? Tu ouvrirais le livre saint, tu chercherais la page, tu la montrerais à, cet homme ; ou plutôt, pour vaincre ses résistances, tu lui donnerais fièrement et brusquement le livre sacré, en lui disant : Tiens, regarde, lis, voilà l’Évangile. Pour moi, je t’en prie, n’y mets pas tant d’animosité, pas tant d’indignation ; parle avec calme, dis d’un ton posé : Voici l’Évangile, examinons. Or l’Évangile, dis-tu à ton adversaire, attribue au Christ ce que tu nies. – Et parce que l’Évangile le dit, tu le croiras ? – Sans doute. – Je m’étonne étrangement que tu croies le Christ, et non pas l’Évangile, coupable de mensonge. – Mais par Évangile n’entends ici ni le livre ni le parchemin, ni l’encre ; recours à l’étymologie grecque : Évangile signifie bon messager ou bonne nouvelle. — Ainsi ce bon messager ne ment pas, c’est Celui qui l’envoie ? Réponds : ce messager, cet Évangéliste, et pour dire son nom, cet écrivain sacré nommé Jean, a-t-il menti ou a-t-il dit vrai en parlant ici du Christ ? Admets ce qu’il te plaît, je suis également prêt à t’entendre. Si Jean a menti, tu ne saurais plus prouver que le Christ a tenu le langage qu’il lui prête. Et s’il a dit vrai, comment la vérité a-t-elle pu jaillir d’une source menteuse ? Quelle est cette source ? Le Christ même, dont Jean n’est que comme le faible ruisseau. Ce ruisseau coule vers moi et tu me dis : Bois en – toute sûreté ; et tout en me faisant craindre la source, tout en prétendant m’y montrer le mensonge, tu répètes : Bois