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Il en est de l’explication des divines Écritures comme de la divine Écriture elle-même. Si bien que l’on connaisse les Écritures, on les lit pour se les rappeler ; ainsi faut-il s’en rappeler l’interprétation afin de la faire connaître à ceux qui peuvent ne l’avoir pas entendue, afin d’en faire revivre l’idée si elle est éteinte dans quelques-uns, et de mettre dans l’impossibilité de l’oublier ceux donc la mémoire est fidèle. Il nous souvient donc d’avoir entretenu déjà votre charité de ce passage de l’Évangile. Mais si nous n’avons point hésité de vous le relire, nous n’hésitons pas non plus de vous en redire l’explication. « Vous écrire les mêmes choses », dit l’Apôtre dans l’une de ses Épîtres, « n’est pas pénible pour moi, et c’est nécessaire pour vous »[1]. Vous parler des mêmes choses, vous dirai-je à son exemple, ne me coûte pas et c’est pour vous une précaution sûre.
2. Les cinq portiques où gisaient les malades, désignent la Loi qui fut donnée primitivement aux Juifs et au peuple d’Israël, par le ministère de Moïse, le serviteur de Dieu. Ce fut en effet Moïse, le promulgateur de la Loi, qui en écrivit les cinq livres, figurés par les cinq portiques de la piscine. – Cependant la Loi n’était par destinée à guérir les malades ; elle devait seulement les découvrir et les faire connaître. « Si la Loi avait été donnée, dit l’Apôtre saint Paul, afin de pouvoir vivifier, « la justice viendrait vraiment de la Loi : mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût accomplie par la foi en Jésus-Christ en faveur des croyants[2]. » C’est donc pour ce motif que les malades gisaient sous les portiques sans y trouver leur guérison. N’est-ce pas le sens de l’Apôtre ? « Si la Loi avait été donnée afin de pouvoir vivifier ? » Ainsi ces portiques qui rappelaient la Loi, ne pouvaient guérir les malades. Pourquoi alors, me dira-t-on, Dieu a-t-il donné cette Loi ? Le même Apôtre l’explique. « L’Écriture, dit-il, a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût accomplie par la foi en Jésus-Christ, en faveur des croyants. » Les malades alors se croyaient en santé. On leur donna une loi qu’ils ne pouvaient observer ; ils apprirent ainsi combien ils étaient frappés, ils implorèrent le secours du médecin, et ce désir de guérison venait en eux de ce qu’ils se sentaient malades en se sentant incapables d’accomplir la Loi qu’ils avaient reçue. L’homme auparavant se croyait innocent et cet orgueil trompeur ne faisait qu’aggraver son état. Afin donc de dompter cet orgueil et de le mettre à nu, Dieu donna sa Loi ; la Loi n’avait pas pour but de guérir le malade, mais de convaincre le superbe. Que votre charité remarque ceci avec soin : ce fut pour dévoiler et non pour enlever le mal que Dieu donna sa Loi. C’est ainsi que ces malades dont parle l’Évangile, auraient pu tenir leurs infirmités plus cachées en restant dans leurs demeures ; mais ils se montraient à tous en se tenant sous ces portiques, qui néanmoins ne les guérissaient pas.L'avantage de cette manifestation des péchés par la Loi consistait en ce que devenu plus coupable pour l’avoir violée, le pécheur sentait son orgueil abattu et pouvait implorer le secours de la miséricorde divine. Écoutez l’Apôtre : « La Loi est survenue, dit-il, afin que le péché abondât ; mais où le péché a abondé, a surabondé la grâce [3]. » Que signifie : « La loi est survenue afin que le péché abondât ? » Ce qui est exprimé dans cet autre passage : « Où il n’y a point de loi, il n’y a point non plus de prévarication[4]. » Avant la Loi, on pouvait appeler l’homme pécheur, mais non pas prévaricateur : tandis qu’après la Loi il est en même temps pécheur et prévaricateur ; et la prévarication s’ajoutant au péché, on conçoit comment l’iniquité a abondé. L’iniquité abondant ainsi, l’orgueil humain apprend enfin à s’abaisser, à. bénir Dieu et à lui dire : « Je suis malade ;[5] » à répéter aussi ces mots d’un autre psaume qui ne conviennent qu’à un cœur humilié : « J’ai dit : Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez mon âme car j’ai péché contre vous[6]. » Parle donc ainsi, âme malade, convaincue de ton infirmité au moins par tes prévarications, éclairée et non guérie par la Loi. Écoute encore Paul lui-même : il te montrera d’un côté que la Loi est bonne, et d’autre part qu’elle ne délivre du péché que par la grâce du Christ. La Loi peut bien défendre et commander : elle ne saurait présenter le remède nécessaire pour guérir le vice intérieur qui ne permet pas à l’homme d’observer la Loi ; pour cela la grâce est nécessaire. « Je me complais dans la loi de Dieu selon l’homme intérieur », dit l’Apôtre : ce qui signifie : Je vois que ce que défend la Loi est mal, et que ce qu’elle ordonne est bien. « Je me complais donc dans la loi de Dieu selon l’homme intérieur. Mais je vois

  1. Phi. 3, 1
  2. Gal. 3, 21, 22
  3. Rom. 5, 20
  4. Id. 4, 15
  5. Psa. 6, 3
  6. Psa. 40, 5