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pierres crieront. » Vous venez d’entendre ces mots et vous les avez acclamés. Ainsi donc se vérifie l’oracle : « Les pierres crieront. » Car nous sommes issus de la gentilité et nous avons adoré les pierres dans la personne de nos parents. C’est pour ce motif encore que nous avons été comparés à des chiens. Rappelez-vous en effet ce qui fut dit à cette femme qui criait derrière le Seigneur. Comme elle était Chananéenne, asservie au culte des idoles et liée au service des démons, que lui dit Jésus ? « Il ne convient pas de prendre le pain aux enfants et de le jeter aux chiens. N’avez-vous remarqué jamais comment les chiens lèchent les pierres engraissées ? Tels sont les adorateurs d’idoles. Mais la grâce de Dieu est descendue en vous. À tous ceux qui l’ont reçu il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » Voici des fils nouveau-nés. « Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » Pourquoi ? « Parce qu’ils croient en son nom. »
4. Et comment deviennent-ils enfants de Dieu ? En ne naissant « ni du mélange des sangs, ni de la volonté de l’homme, ni de la volonté de la chair, mais de Dieu. » Après avoir reçu le pouvoir de devenir enfants de Dieu, ils sont nés de Dieu. Remarquez bien : ils sont nés de Dieu, « non pas du mélange des sangs », comme dans cette première génération, génération pleine de misère et produite par la misère. Qu’étaient en effet ces nouveaux fils de Dieu ? Comment étaient-ils nés d’abord ? Du mélange des sangs du père et de la mère, du rapprochement des corps. Et aujourd’hui ! « C’est de Dieu qu’ils sont nés. » Leur première naissance était due à un homme et à une femme ; la seconde est due à Dieu et à l’Église.
5. Ainsi donc il sont nés de Dieu. Pourquoi sont-ils nés de Dieu après avoir reçu d’abord une naissance humaine ? Pourquoi ? Pourquoi ? C’est que « le Verbe s’est fait chair afin d’habiter parmi nous. » Quel contraste ! Lui se fait chair ; et eux deviennent esprits. Quelle condescendance, mes frères ! Préparez vos âmes à espérer et à recueillir de plus signalés bienfaits encore. Ne vous attachez pas aux passions du siècle. On vous a achetés cher ; pour vous le Verbe s’est fait chair, pour vous le Fils de Dieu est devenu fils de l’homme ; ainsi veut-il que les enfants des hommes deviennent les enfants de Dieu. Qu’était-il, et qu’est-il devenu ? Qu’étiez-vous et qu’êtes-vous devenus ? Il était Fils de Dieu. Qu’est-il devenu Fils de l’homme. Et vous, qui étiez fils des hommes, qu’êtes-vous devenus ? Des fils de Dieu. Il a partagé nos maux pour nous communiquer ses biens.
En qualité même de fils de l’homme, il est bien élevé au-dessus de nous. Nous devons notre vie humaine à la convoitise de la chair ; il doit la sienne à la foi d’une Vierge. Chacun de nous est né d’un père et d’une mère ; le Christ est né de l’Esprit-Saint et de la Vierge Marie.
Mais en s’approchant de nous, il ne s’est pas éloigné beaucoup de lui-même ; ou plutôt il ne s’en est pas éloigné en tant que Dieu, et il n’a fait qu’ajouter sa nature à la nôtre ; car en s’unissant à ce qu’il n’était pas, il n’a point sacrifié ce qu’il était ; sans cesser d’être le Fils de Dieu, il est devenu fils de l’homme. Ainsi s’est-il établi Médiateur ; médiateur, tenant le milieu, n’étant ni en haut ni en bas ; ni en haut, parce qu’il est homme, ni en bas, parce qu’il n’est point pécheur. Et toutefois il est en haut en tant que Dieu, car en venant parmi nous il n’a pas quitté son Père. C’est ainsi qu’en remontant au ciel il ne nous a pas quittés, et qu’en revenant vers nous il ne quittera pas non plus son Père.