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Faisons néanmoins une observation, mes frères : oui, le soleil répand ses rayons sur toute la terre, il pénètre tous les corps transparents ; mais pénètre-t-il les corps opaques ? Sa clarté passe à travers la fenêtre ; traverse-t-elle la muraille ? – Au Verbe de Dieu, au contraire, tout est accessible, rien n’est caché pour lui. Considérez un autre caractère, saisissez combien la créature, surtout la créature corporelle, est distante du Créateur. Si le soleil est à l’Orient, il n’est pas à l’Occident. Sans doute la lumière qui s’échappe de ce globe immense se porte jusqu’en Occident ; mais le soleil n’y est pas lui-même. Il y sera quand viendra l’heure de son coucher ; car s’il est en Orient quand il se lève, il est en Occident quand il se couche. C’est même de son lever et de son coucher que viennent ces dénominations d’Orient et d’Occident, car il se trouve alors en ces lieux. Mais nulle part on ne le voit la nuit. En est-il ainsi du Verbe de Dieu ? N’est-il pas en Orient en même temps qu’il est en Occident et en Occident quand il est en Orient ? Quitte-t-il jamais la terre pour aller ou sous la terre ou loin de la terre ? Il est tout entier partout. Mais qui peut l’expliquer ? Qui le voit ? Quelle preuve vous donner de cette vérité ? Je suis un homme parlant à des hommes, un infirme parlant à de plus infirmes ; et pourtant, mes frères, j’ose bien vous le dire, je vois, comme dans un miroir et en énigme, je vois et je comprends tant soit peu ce que je vous dis, et il y a pour l’exprimer une parole dans mon cœur. Cette parole cherche à en sortir pour aller à vous ; mais elle ne rencontre point de véhicule convenable. Le véhicule de la parole est le son de la voix. Je cherche donc à vous dire ce que je me dis en moi-même, mais les paroles me manquent ; car c’est du Verbe de Dieu que je veux vous entretenir, et quel Verbe ! « Tout a été fait par lui. » Considérez ses œuvres et tremblez devant lui. « Par lui tout a été fait. »
3. Reviens sur toi, infirmité humaine, reviens sur toi. Comprenons les choses humaines, si nous en sommes capables cependant. Nous sommes tous hommes, et nous qui parlons, et vous qui prêtez l’oreille ; de plus nous émettons des sons de voix. Nous portons ces sons à l’oreille et par eux, autant qu’il est possible, l’intelligence à l’esprit. Eh bien ! parlons de ce phénomène dans la mesure de nos forces, efforçons-nous de comprendre. Si nous ne comprenons même pas ce phénomène de la parole humaine, que sommes-nous près du Verbe de Dieu ?
Vous m’écoutez maintenant, je parle : Si quelqu’un de vous venait à sortir et qu’on lui demandât ce qui se fait ici, il répondrait : L’Évêque parle. Oui je parle du Verbe. Mais quelle est ma parole et quel est ce Verbe ? Parole mortelle et Verbe immortel ; parole muable et Verbe immuable ; parole qui passe et Verbe qui demeure éternellement. Examinez néanmoins cette parole. Je vous disais : Le Verbe de Dieu est tout entier partout. Voyez : je vous parle et ma parole se communique à tous. Mais pour qu’elle se communiquât à tous, vous l’êtes-vous partagée ? Si je nourrissais, non pas vos âmes, mais vos corps, et si pour apaiser votre faim je mettais des aliments devant vous, ne seriez-vous pas obligés de vous les partager ? Chacun de vous pourrait-il avoir tout ? N’est-il pas sûr que si l’un de vous avait tout, les autres n’auraient rien ? Eh bien ! je vous distribue la parole, et tous vous l’entendez, vous la possédez, tous vous la possédez tout entière ; elle parvient tout entière à tous et à chacun. O merveilles de ma parole ! Que n’est donc pas le Verbe de Dieu ?
Autre observation : J’énonce une pensée, et cette pensée se donne à vous sans me quitter, elle vous arrive sans se séparer de moi. Avant de l’exprimer je l’avais et vous ne l’aviez pas ; je l’exprime et vous l’avez sans que je la perde. O prodige de ma parole ! Que n’est donc pas le Verbe de Dieu ?
Que les petites choses vous élèvent vers les grandes. Contemplez les merveilles de la terre et admirez les merveilles du ciel. Je suis créature, vous êtes également créatures, et si ma parole produit de tels prodiges dans mon cœur, sur mes lèvres, dans ma voix, dans vos oreilles et dans votre cœur, que penser du Créateur ?
O Seigneur, écoutez-nous. Réparez-nous, car c’est vous qui nous avez faits ; rendez-nous bons, puisque déjà vous nous avez éclairés. Ces fidèles en blanc, que vous avez éclairés, entendent votre parole dans ma bouche ; c’est la lumière de votre grâce qui les tient ici devant vous dans ce jour que le Seigneur a fait. Ah ! qu’ils travaillent et qu’ils prient pour ne devenir pas ténèbres, après ces solennités, puisqu’en eux reluisent aujourd’hui les prodiges et les bienfaits divins.