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Père et en même temps son égal. Mais il nous est impossible de voir cette vérité dans une même espèce de comparaisons ; réunissons alors des comparaisons empruntées à deux espèces d’êtres. Lesquelles ? L’une comprend les similitudes invoquées par les hérétiques, et l’autre comprend les comparaisons indiquées par nous. Les hérétiques ont tiré leurs comparaisons de ce qui naît dans le temps et se trouve par conséquent moins ancien que l’être générateur : ainsi l’homme issu de l’homme est moins ancien que son père ; et toutefois le fils, comme le père, est homme, c’est-à-dire de même nature, car un homme engendre un homme comme un cheval produit un cheval, comme un animal produit son semblable. Ces êtres communiquent leur substance, mais ils ne communiquent par leur âge. L’âge est différent, mais la nature est la même. Que constatons-nous donc dans ce genre de naissances ? Sans aucun doute, l’égalité de nature. Et que n’y trouvons-nous pas ? L’égalité d’âge. N’oublions pas alors cette égalité de nature que nous y avons rencontrée. Quant aux comparaisons que nous-mêmes avons tirées soit de la lumière produite par le feu, soit de l’image peinte par l’arbrisseau, si tu n’y découvres pas l’égalité de nature, tu y vois l’égalité d’âge. Qu’y constatons-nous donc ? L’égalité d’âge. Que n’y découvrons-nous pas ? L’égalité de nature. Eh bien ! unis ces deux caractères ; tu le peux, car si les créatures manquent de quelque qualité, le Créateur ne saurait manquer d’aucune, puisque de lui vient tout ce que possède la créature. Ne faut-il donc pas attribuer à Dieu ce que tu rencontres dans les êtres contemporains, comme il est nécessaire de n’attribuer pas à cette Majesté qui est sans défaut, ce dont manquent ces êtres ? Voici des générateurs de même âge que les êtres engendrés par eux ; en y reconnaissant l’égalité d’âge, tu y constates l’inégalité de nature. Garde-toi de prêter à Dieu aucun défaut, prête-lui au contraire les perfections des créatures, et pour nous en tenir d’abord aux créatures de même date, vois dans leur coévité la coéternité du Fils avec le Père. Quantaux autres créatures, qui sont également l’œuvre de Dieu et qui doivent aussi louer leur Créateur, que constates-tu en elles ? L’égalité de nature. Les premières t’avaient enseigné à attribuer à Dieu la coéternité ; que celles-ci te déterminent à admettre en lui l’égalité de nature. Eh ! ne serait-ce pas, rues frères, le comble de la folie que de ne célébrer pas dans le Créateur ce que je célèbre dans la créature ? Je loue dans l’homme l’égalité de nature, et je l’admets pas dans Celui qui a fait l’homme ? Ce qui naît de l’homme est homme, et ce qui naît de Dieu ne serait pas Dieu ? Peu m’importent les œuvres qui ne sont pas les œuvres de Dieu ; mais je veux que tous les ouvrages du Seigneur bénissent leur Créateur ; et puisque dans ces ouvrages je vois la coévité, j’en conclus qu’il y a en Dieu coéternité ; et puisque dans ces mêmes ouvragés je constate égalité de nature, je reconnais en Dieu égalité de substance. Je réunis en lui ce que je trouve répandu partiellement sur chacune de ses créatures, et sans m’arrêter même à ce que je découvre dans celles-ci, je lui en attribue toutes les perfections, mais comme au Créateur, et je les lui attribue d’une manière d’autant plus éminente que ces perfections sont visibles ici et en lui invisibles ; ici temporelles, éternelles en lui ; ici muables et en lui immuables ; ici corruptibles, incorruptibles en lui. Enfin, pour nous arrêter à l’homme, le père et le fils sont deux hommes ; tandis qu’en Dieu le Père et le Fils ne sont qu’un seul Dieu.
15. Je rends au Seigneur notre Dieu d’ineffables actions de grâce, de ce qu’à votre requête il a daigné me tirer de ce dangereux et difficile écueil. Mais n’oubliez jamais que le Créateur est élevé, à une hauteur infinie, au-dessus de tout ce que nos sens ou nos méditations peuvent remarquer dans la créature. Veux-tu donc t’élever intérieurement, jusqu’à lui ? Purifie ton esprit, purifie ton cœur, purifie cet œil intérieur qui pourra seul contempler ce qu’il est, purifie l’œil du cœur, car il est écrit : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu[1]. » Cependant, puisque le cœur n’était pas purifié, était-il possible à Dieu de se montrer plus miséricordieux envers nous qu’en procurant l’incarnation de ce Verbe dont nous avons tant parlé sans pouvoir, malgré nos efforts, rien dire qui fût digne de lui ? Ce Verbe en effet a fait toutes choses, et pour nous aider à atteindre à ce que nous ne sommes pas, il s’est fait ce que nous sommes. Nous ne sommes pas Dieu, mais nous pouvons le considérer en esprit, c’est-à-dire fixer sur lui le regard du cœur. Maintenant, il est vrai, les péchés qui nous accablent et qui nous aveuglent, ainsi que la faiblesse gui nous tient abattus, nous réduisent au simple désir de voir Dieu ; mais nous sommes au temps de l’espérance et non à

  1. Mat. 5, 8