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grâce de Dieu et non par sa propre nature.
3. Oui donc, « Seigneur, levez-vous et que l’homme ne triomphe point. » Tel a été avant le déluge l’empire du mensonge, que huit personnes seulement survécurent [1]. Elles repeuplèrent l’univers, mais encore e menteurs, et Dieu se choisit un peuple. Que de miracles, que de bienfaits divins en faveur de ce peuple ! Dieu le conduisit dans la terre promise, après l’avoir tiré de l’Égypte, il lui donna dès prophètes, un temple, un sacerdoce, la royauté, la loi, et il n’en dit pas moins « Ces enfants rebelles m’ont menti[2]. » Il finit par leur envoyer Celui qu’avaient prédit les Prophètes. Ne fût-ce que parce que Dieu s’est fait homme, « que l’homme ne triomphe plus. » Mais ce Dieu fait homme, malgré ses œuvres divines, a été couvert d’outrages, et nonobstant – ses nombreux bienfaits, il a été saisi, flagellé, pendu. Oui, l’homme triompha alors jusqu’à garrotter le Fils de Dieu, jusqu’à flageller le Fils de Dieu ; jusqu’à couronner d’épines le Fils de Dieu, jusqu’à attacher à une croix le Fils même de Dieu. Ainsi triompha l’homme ; mais jusqu’à quand triompha-t-il ? Jusqu’à ce que descendu de la croix, le Fils de Dieu fut mis dans un sépulcre. S’il y était resté, le triomphe de l’homme eût été définitif. Mais le texte prophétique examiné par nous s’adresse également au Seigneur lui-même. « Levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne triomphe point. » Vous avez daigné, Seigneur, vous incarner parmi nous ; ô Verbe, vous vous êtes fait chair ; comme Verbe, vous êtes au-dessus de nous, et comme homme vous êtes l’un de nous ; comme Verbe fait chair, vous êtes donc intermédiaire entre Dieu et l’homme. Pour prendre un corps, vous avez fait choix d’une vierge, vous avez été conçu dans son sein et vous en êtes sorti au moment de votre naissance ; mais alors on ne vous reconnaissait pas ; vous vous montriez et on ne vous voyait pas. On voyait en vous la faiblesse et on ne voyait pas la puissance. Or, vous avez fait tout cela pour arriver à répandre votre sang, afin de nous racheter. Vous avez fait tant de miracles, guéri tant de malades, accordé tant de faveurs, et vous n’avez recueilli que le mal pour le bien. On vous a insulté, on vous a attaché au gibet, devant vous on a secoué la tête en disant : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix[3]. » Aviez-vous donc perdu alors votre puissance, ou bien nous enseigniez-vous la patience ? Pourtant ils vous outrageaient, pourtant ils se riaient de vous, pourtant après votre mort ils s’éloignèrent de vous en se croyant vainqueurs. Vous voilà gisant dans le sépulcre. Ah ! « levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne triomphe point. » Que l’impie qui vous hait ne triomphe point ; point de triomphe au Juif aveugle. Celui-ci a cru triompher pendant qu’il vous crucifiait. « Levez-vous, Seigneur, que l’homme ne triomphe point. » N’est-ce pas ce que nous avons vu ? N’est-ce pas ce qui s’est parfaitement accompli ? Que doit-il arriver encore, sinon « que les peuples soient jugés devant vous ? » Car vous le savez, mes frères, le Christ est ressuscité, il est monté au ciel, et il en viendra juger les vivants et les morts.
4. O arbre stérile, ne te ris pas si l’on t’épargne ; le coup de cognée est ajourné, ne sois pas pour cela sans inquiétude, le moment viendra de t’abattre ; crois bien qu’il viendra. Tout ce que tu vois aujourd’hui n’a pas toujours été. Il fut un temps où le peuple chrétien n’était point répandu dans tout l’univers. Cet événement était annoncé dans les prophéties, on ne le voyait point réalisé, tandis qu’aujourd’hui on le voit en même temps prédit et accompli. Ainsi s’est formée l’Église : on ne lui a pas dit : Vois, ma fille, et écoute ; mais : « Écoute envois [4]. » Écoute ce qui est prédit, vois ce qui est accompli. Ainsi, mes très-chers frères, avant que le Christ naquît d’une Vierge, il fut promis, et il est né ; il n’avait pas fait de miracles, les miracles furent promis et il les a faits ; il n’avait pas encore souffert, sa passion fut prédite, et elle s’est accomplie ; il n’était pas ressuscité, sa résurrection fut prédite, et elle a eu lieu ; son nom n’était pas répandu dans tout l’univers, cette gloire fut prédite et nous en sommes témoins ; les idoles n’étaient ni anéanties ni brisées, cette destruction fut prédite, elle est accomplie ; il n’y avait pas d’hérétiques pour attaquer l’Église il fut prédit qu’il y en aurait, et il y en a. Ainsi en est-il du jour du jugement, nous n’y sommes pas encore ; mais comme il est prédit qu’il viendra, il viendra sans aucun, doute. Est-il possible qu’après s’être montré si véridique pour de si grands événements, Dieu se montre menteur en ce qui concerne le jugement ? Dieu a signé ses promesses ; il est lié envers nous, non pour cause de dettes, mais pour motif de promesses, car il ne nous a rien emprunté et nous ne saurions lui dire : Rendez ce que vous avez reçu. « Qui, le premier, lui a donné et sera rétribué[5] ? » Nous ne saurions donc lui dire : Rendez ce que vous

  1. 1Pi. 3, 40
  2. Psa. 17, 46
  3. Mat. 17, 40
  4. Psa. 44, 11
  5. Psa. 11, 10