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en reste ? Et des insensés se réjouissent à mesure qu’ils célèbrent les retours de leur naissance ou de celle de leurs enfants ! Quelle vue de l’avenir ! Quand le vin baisse dans ton outre, tu t’attristes, et tu chantes quand s’écoule le nombre de tes jours ? Oui, nos jours sont mauvais, ils le sont d’autant plus qu’on les aime davantage. Les caresses du monde sont si perfides, que personne ne voudrait voir la fin de cette vie d’afflictions.
Mais la vraie vie, la vie bienheureuse est celle qui nous attend lorsque nous ressusciterons pour régner avec le Christ. Les impies ressusciteront aussi, mais pour aller au feu. Il n’y a donc de vie véritable que la vie bienheureuse. Or, la vie ne saurait être heureuse si elle n’est éternelle en même temps que les jours ou plutôt que le jour y est heureux ; Car il n’y a point là plusieurs jours, mais un seul. Si nous disons plusieurs, c’est par suite d’une habitude contractée dans cette vie. Ce jour unique ne connaît ni soir ni matin ; il n’est pas suivi d’un lendemain, parce qu’il n’avait pas d’hier. C’est ce jour ou ces jours, c’est cette vie et cette vie véritable qui nous est promise. Récompense, elle suppose le mérite. Ah ! si nous aimons cette récompense, ne nous lassons pas de travailler, et durant l’éternité nous régnerons avec le Christ.


SERMON LXXXV. LES RICHES ET LES PAUVRES[1].

ANALYSE.– On distingue dans l’Évangile les commandements et les conseils. Il y a des commandements que tous doivent observer ; il en est qui sont propres aux riches, dont le salut est si difficile ; il en est aussi qui conviennent plus spécialement aux pauvres, L’Apôtre recommande aux riches d’éviter l’orgueil et la présomption, d’espérer en Dieu et de multiplier leurs bonnes œuvres. Il veut que les pauvres, d leur tour, se livrent à la piété en se contentant du nécessaire, et se gardent avec soin de l’avarice ou du désir des richesses. Ainsi les pauvres et les riches vivront en paix sous l’empire de leur commun Seigneur.
1. Le passage de l’Évangile qui vient de frapper nos oreilles, demande plutôt à être écouté et pratiqué, qu’à être expliqué. Quoi de plus clair que ces paroles : « Si tu veux parvenir à la vie, observe les commandements ? » Qu’ai-je donc à dire ? « Si tu veux parvenir, à la vie observe les commandements. » Qui ne veut point parvenir à la vie ? Mais aussi, qui veut observer les commandements ? Si tu ne veux pas les observer, pourquoi prétends-tu à la vie ? Si tu es lent au travail, pourquoi si empressé à la récompense ? Ce jeune nomme riche assurait qu’il avait été fidèle aux commandements, et on lui a fait connaître des préceptes plus élevés. « Si tu veux être parfait, lui a dit le Sauveur, va, vends tout ce que tu possèdes et le donne aux pauvres ;» tu ne le perdras point, mais « tu auras un trésor dans le ciel ; viens ensuite et suis-moi. » En effet que te servirait de donner, si tu ne me suivais pas ? – Il s’éloigna tout triste et tout chagrin, comme vous venez de l’entendre ; car il possédait de grandes richesses. Ce qui lui a été dit, nous a été dit également. L’Évangile est comme la bouche du Christ. Le Christ siège au ciel, mais il ne cesse de parler sur la terre. Ne soyons pas sourds, car il crie; ne soyons pas des morts, car il tonne. Si tu ne veux pas de ses conseils de perfection, observe au moins les préceptes indispensables. Les premiers sont pour toi un lourd fardeau, charge-toi au moins des seconds. Pour quoi cette indifférence pour les tins et pour les autres ? Pourquoi leur être également opposé ! Voici les premiers : « Vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et suis-moi. » Voici les seconds : « Tu ne seras point homicide ; tu ne commettras point d’adultère ; ne cherche point de faux témoignage ; ne dérobe point ; honore ton père et ta mère ; tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Accomplis ceux-ci. Eh ! pourquoi te crier de vendre ton propre bien, si je ne puis obtenir que tu ne ravisses pas le bien d’autrui ? On t’a dit : « Ne dérobe pas ; » et tu ravis. Sous les yeux même d’un si grand Juge je te surprends, non plus à dérober, mais à voler. Épargne-toi, prends pitié de toi. Cette vie te laisse encore un peu de temps, ne repousse pas la réprimande. Tu étais hier un larron ; ne le sois plus aujourd’hui. Peut-être l’as-tu été aujourd’hui même ; ne le sois plus demain. Mets

  1. Mat. 19, 17-25