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me parle-t-il pas bien mieux encore par la bouche d’un Ange ? Nous disons : « Dieu a parlé par Isaïe. » Qu’était donc Isaïe ? N’était-ce pas un homme revêtu de chair, comme nous, et comme nous ni d’un père et d’une mère ? Cet homme parle et que disons-nous de son langage ? « Voici ce que dit le Seigneur[1] » Si c’est Isaïe qui parle, comment est-ce Dieu ? L’unique moyen de l’expliquer, c’est de croire que Dieu a parlé, par Isaïe. Ainsi, dans le passage que nous commentons, si on attribue à Dieu ce qu’exprime l’Ange, n’est-ce point parce que Dieu s’énonce par l’organe de l’Ange ?
3. Cette question résolue, examinez la suivante : Qu’est-ce que Dieu a voulu figurer en choisissant, pour s’y révéler, ce buisson qui paraissait tout en feu, sans brûler, sans se consumer ? Ce buisson épineux peut-il désigner quelque chose de bon ? Si le feu en avait consumé les épines, on pourrait entendre que la parole de Dieu adressée aux Juifs a consumé leurs péchés et que la loi ancienne a mis un terme à leurs iniquités. Le feu dans le buisson représente la loi parmi les Juifs ; les épines représentent les péchés ; et si le feu ne brûle pas les unes, c’est que la loi n’a point effacé les autres.
4. Maintenant, Dieu dit à Moïse ; vous savez tout cela et le temps.nenous permet point de vous entretenir trop longuement ; Dieu donc dit : à Moïse : « Je suis l’Être ; l’Être m’a envoyé. » Moïse en effet cherchait à connaître le nom de Dieu, et il lui fut dit : « Je suis l’Être. Voici ce que tu feras entendre aux fils d’Israël : C’est l’Être qui m’a envoyé vers vous. » Quel nom ? Ô Seigneur ! Ô notre Dieu ! Quel nom vous donnez-vous ? Je m’appelle l’Être, répond-il. Qu’est-ce à dire ? Que je subsiste éternellement sans pouvoir changer. Ce qui change n’est point en tant qu’il change : Être c’est subsister. Ce qui change a été une chose et en sera une autre ; mais il n’est pas véritablement, car il est muable. C’est donc l’immuabilité divine qui a daigné se révéler elle-même dans cette parole : « Je suis l’Être. »
5. Mais pourquoi Dieu s’est-il donné ensuite un autre nom ? Il dit à Moïse : « Je suis le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob : voilà mon nom pour l’éternité. » Comment se nommer, d’un côté, l’Être, et d’autre part : le Dieu d’Abraham et le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Le voici : Dieu en lui-même est immuable, mais il a tout fait par miséricorde, et le Fils de Dieu même a daigné prendre une chair muable, tout en demeurant Verbe de Dieu, pour venir au secours de l’homme. L’Être s’est ainsi revêtu d’une chair mortelle afin de pouvoir s’appeler le Dieu d’Abraham et, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.
6. Expliquons ensuite les signes ou prodiges que Dieu accorda à Moïse d’opérer. « Si le peuple, dit Moïse, me fait cette objection : Dieu ne t’a pas envoyé, comment lui montrerai-je que c’est vous qui m’avez envoyé ? – Jette ta verge, lui fut-il répondu ; il jeta la verge qu’il portait à la main, elle devint un serpent et Moïse en eut peur. » Le Seigneur lui dit encore : « Saisis-la par la queue. Il la saisit et elle redevint ce qu’elle était. » Dieu lui donna un autre signe : « Mets ta main dans ton sein. Il l’y mit. « Retire-la. Et elle était blanche comme la neige, c’est-à-dire couverte de lèpre. » La blancheur de la peau est une maladie dans l’homme. « Mets-la de nouveau dans ton sein. Il l’y mit et elle recouvra sa couleur. » Voici un troisième signe : « Prends de l’eau du fleuve et répands-la dans un vase assez grand. Il en prit, l’y répandit et elle se changea en sang. À ces signes le peuple t’écoutera. Si le premier ne suffit pas, le second et le troisième suffiront pour que l’on t’écoute[2]. »
7. Essayons, avec l’aide de Dieu, d’expliquer ce qu’ils signifient. La verge est le symbole de l’autorité, et le serpent rappelle la mort ; car c’est le serpent qui a fait boire à l’homme la coupe empoisonnée et le Seigneur a daigné s’obliger à mourir. Quand donc la verge est jetée à terre où elle prend la forme d’un serpent, ne figure-t-elle pas l’autorité suprême, Notre-Seigneur Jésus-Christ, descendant, parmi nous et s’y revêtant de notre mortalité pour l’attacher à la croix ? Votre sainteté n’ignore pas que le peuple orgueilleux et opiniâtre murmura au désert contre Dieu et commença à être blessé à mort par des serpents. La miséricorde divine indiqua un remède ; ce remède rendait la santé pour le moment, et pour l’avenir il annonçait l’éternelle Sagesse. « Élève au milieu du désert un serpent d’airain attaché à une colonne de bois, dit le Seigneur, et déclare au peuple : Que tout homme blessé regarde ce serpent. Et les blessés regardaient ce serpent, et ils étaient guéris[3]. » Le Seigneur dans l’Évangile

  1. Is. 1, 1
  2. Ex. 11, 1-9
  3. Nb. 21, 8-9, 14-15