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Ce qu’il y a de mauvais ; ce m’est ni le ciel ni la terre ni les eaux, ni ce qui s’y trouve renfermé, oiseaux, poissons, végétaux. Tous ces êtres sont bons, et ce sont les hommes mauvais qui rendent mauvais le mande. Néanmoins, comme il est impossible que nous ne rencontrions des hommes mauvais dans tout le cours de cette vie, élevons nos gémissements, je l’ai déjà dit, vers le Seigneur notre Dieu, et supportons le mal pour arriver au bien. Ah ! ne blâmons point le Père de famille, car il est bon. C’est lui qui nous porte ; ce n’est pas nous qui le portons. Il sait comment gouverner son œuvre. Fais seulement ce qu’il commande et espère ce qu’il promet.


SERMON LXXXI. LES SCANDALES PRÉSENTS[1].

ANALYSE.


– À l’époque du sac de Rome par les Goths, vers l’an 410, des clameurs s’élevaient de toutes parts contre le Christianisme ; on lui attribuait les désastres de l’empire, et c’était pour plusieurs une occasion de scandale. Saint Augustin prémunit son troupeau contre ce danger. Il montre d’abord que s’il y a des afflictions il n’y a point de scandale proprement dit pour le disciple fidèle du Sauveur, attendu que la loi de Dieu lui fournit toujours d’efficaces moyens de résister à la tentation. Il met surtout en scène Job et un chrétien de qui on voudrait obtenir un faux témoignage. Abordant ensuite la question actuelle, comment, dit-il, se scandaliser de ce qui arrive aujourd’hui ? Jésus-Christ n’a-t-il pas prédit ces calamités, et les temps antérieurs au Christianisme ne nous en présentent-ils pas d’aussi formidables, ne fût-ce que la ruine de Troie, mère de Rome ?
1. Nous venons d’entendre de divines leçons elles nous avertissent de nous fortifier par la vertu, de nous armer d’un courage chrétien contre les scandales qui doivent arriver ; et de recourir pour cela à la miséricorde de Dieu. « Que serait l’homme en effet ; si vous ne vous souveniez de lui[2] ? »« Malheur au monde à cause des scandales ! » dit le Seigneur, dit la Vérité même. Il nous effraie, il nous avertit, il veut que nous soyons sur nos gardes, attendu qu’à ses yeux nous ne sommes point dans un état désespéré. Pour nous préserver de ce malheur, malheur terrible, redoutable, épouvantable, il nous offre des consolations, des encouragements et des leçons dans ces paroles de l’Écriture : « Paix abondante à ceux qui aiment votre loi ; pour eux il n’y a point de scandale[3]. » Si donc il nous fait voir l’ennemi à éviter, il nous montre aussi un rempart inexpugnable. À ces mots : « Malheur au monde à cause des scandales ! » tu te demandais où fuir en dehors du monde pour y échapper. Mais où fuir hors du monde, pour se préserver des scandales, sinon vers Celui qui a fait le monde ? Et comment fuir vers Celui qui a fait le monde, sinon en écoutant sa loi publiée partout ? Que dis-je ? en l’écoutant ? Il nous faut l’aimer. Car en nous rassurant contre les scandales, la Sainte Écriture ne dit pas : Paix abondante à ceux qui écoutent sa loi ; puisqu’il ne suffit pas de l’entendre pour être justifié devant Dieu. Ce sont les observateurs de la loi qui seront justifiés [4] ; et la foi agit par la charité[5]. C’est pourquoi il est écrit : « Paix abondante à ceux qui aiment votre loi ; pour eux il n’y a point de scandale. » À cette pensée se rapporte ce que nous avons entendu et répondu en chœur : « Les doux hériteront de la terre et ils se réjouiront dans l’abondance de la paix[6] ; » car il y a « paix abondante en ceux qui aiment votre loi. » Les doux en effet sont ceux qui s’attachent à la loi de Dieu. « Heureux l’homme que vous instruisez, Seigneur ; vous lui enseignez votre loi pour le rendre doux en présence des jours mauvais, quand la fosse se creusera pour le pécheur[7]. » Que les expressions du texte sacré sont différentes ! Toutes cependant formulent la même pensée, et quoiqu, on puise à cette source intarissable, il faut y avoir confiance, s’attacher à la vérité avec amour, avec une paix profonde, avec une charité embrasée et être prêt à résister au scandale.
2. Il s’agit de considérer, d’examiner ou d’apprendre comment nous devons être doux, et ce que je viens de rappeler du texte sacré, nous indique la solution de cette question. Que votre charité prête un peu attention. Il nous importe singulièrement d’être doux ; la douceur est nécessaire dans l’adversité. Les adversités temporelles,

  1. Mat. 18, 7-9
  2. Psa. 8, 5
  3. Id. 118, 166
  4. Rom. 2, 13
  5. Gal. 5, 6
  6. Psa. 36, 11
  7. Psa. 93, 12-13