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prononce ce mot, « il ne lui sera remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir. » Qu’il soit païen, juif, ou chrétien, qu’il soit un hérétique sorti des rangs des juifs ou des rangs des chrétiens, quelle que soit enfin l’erreur qu’il professe, rien n’est spécifié, il n’y a aucune restriction, mais il est dit d’une manière générale : « Quiconque aura proféré un mot », en d’autres termes, aura blasphémé « contre l’Esprit-Saint, il ne lui sera remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir. » Si donc, comme nous l’avons constaté précédemment, toute doctrine opposée à la vérité et à la paix catholique s’attaque au Saint-Esprit, si d’un autre côté l’Église ne cesse de redresser toutes les erreurs et d’appeler à elle tous les égarés pour leur conférer la rémission de leurs péchés, pour leur donner même cet Esprit-Saint contre qui ils ont blasphémé, ne s’ensuit-il pas que notre grande question parait de plus en plus profonde ? Afin d’en pénétrer les replis, demandons au Seigneur la lainière nécessaire.
8. Ainsi mes frères, ouvrez vos oreilles à ma parole, et vos esprits â l’action du. Seigneur. Je l’affirme devant votre charité : peut-être n’est-il pas possible de rencontrer, dans toutes les Écritures, de question plus importante, plus difficile à résoudre. De là vient, pour vous faire, un aveu personnel, que dans les discours que j’ai adressés au peuple, j’ai constamment évité les embarras et les obscurités de ce problème. Non pas que je n’eusse quelques idées sur ce sujet ; il est si sérieux que pour l’approfondir je ne pouvais négliger de demander, de chercher, de frapper ; mais je ne me croyais pas capable de trouver sur le moment les expressions convenables pour faire comprendre ma pensée lorsqu’elle s’éclaircissait quelque peu. Cependant obligé aujourd’hui de vous entretenir des leçons sacrées, je me suis senti, quand on lisait l’Évangile, le cœur tellement ému, que j’ai cru y reconnaître un témoignage de la volonté de Dieu, demandant à mon ministère de vous dire quelque chose sur cette matière.
9. Remarquez-le donc d’abord et comprenez-le bien : le Seigneur n’a pas dit : aucun blasphème contre l’Esprit-Saint ne sera pardonné, ni : Quelque parole que l’on profère contre le Saint-Esprit, elle ne sera point remise ; mais : « Quiconque dira une parole. » S’il s’était exprimé de la sorte, il ne nous resterait absolument rien à examiner. Si effectivement il n’y avait de pardon ni pour aucun blasphème, ni pour aucune parole émise contre l’Esprit-Saint, jamais l’Église ne sauverait aucun de ceux qui résistent aux grâces du Christ et aux pratiques qui la sanctifient, quelle que soit d’ailleurs la nature de leur impiété, qu’ils soient païens ou juifs, qu’ils appartiennent à une secte quelconque ou qu’ils soient même des catholiques ignorants. Mais à Dieu ne plaise que la Vérité suprême ait déclaré impardonnables pour ce siècle et pour le siècle futur tous les blasphèmes et toutes les paroles qui attaquent l’Esprit-Saint.
10. Il a bien voulu la difficulté de la question pour nous exercer, mais non pas la fausseté de la pensée pour nous induire en erreur. Il ne faut donc pas croire irrémissible tout blasphème ou toute parole contre le Saint-Esprit : mais il est incontestablement nécessaire d’admettre qu’il y a quelque blasphème ou quelque parole contre l’Esprit-Saint, qui ne sera jamais ni remis ni pardonné. Qui pourra se sauver, s’il s’agit ici de tout blasphème ? Et s’il n’est question d’aucun, c’est nous mettre en contradiction avec le Sauveur. Il existe donc quelque parole ou quelque blasphème dont on ne recevra point le pardon, si on les profère contre le Saint-Esprit. Or, quelle est cette parole ? Le Seigneur veut que nous la cherchions, c’est pourquoi il ne l’a pas désignée formellement. Il veut, dis-je, qu’on la cherche, il ne veut pas nous la refuser. Une règle d’interprétation pour l’Écriture, c’est qu’il n’est pas, nécessaire d’admettre comme universelle, c’est qu’on peut prendre comme partielle une proposition qui n’est exprimée ni comme partielle ni comme universelle. La proposition qui nous occupe serait universelle, si le Sauveur avait dit : Aucun blasphème contre le Saint-Esprit ne sera pardonné ; ou bien encore : Quiconque aura prononcé une parole, quelle qu’elle soit, contre le Saint-Esprit, n’en recevra la rémission ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir. Elle serait partielle s’il était dit : Il est un seul blasphème qui ne sera point remis. Ici donc elle n’est ni universelle ni partielle, puisqu’il n’est dit, ni ; aucun blasphème, ni quelque blasphème, mais, d’une manière indéfinie : « Le blasphème contre le Saint-Esprit ne sera point pardonné ; » il n’y est pas dit non plus : Celui qui proférera une parole quelconque ; ni : Celui qui proférera quelque parole particulière : mais, d’une manière également indéfinie : « Celui qui prononcera une parole. » Par conséquent il n’est pas nécessaire