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pas le pain de l’esprit. Mais après cette vie, nous ne chercherons plus le pain que réclament les besoins du corps ; nous n’aurons pas non plus à recevoir le sacrement de l’autel, puisque nous serons avec le Christ dont maintenant nous recevons la chair sacrée ; il ne faudra plus enfin nous adresser des paroles comme nous vous en disons, ni lire aucun livre, puisque nous verrons le Verbe même de Dieu, par qui tout a été fait, ce Verbe qui nourrit les Anges, qui éclaire les. Anges, qui donne la sagesse aux Anges, sans rechercher les termes d’une phrase embarrassée ; car ils boivent en quelque sorte à ce Verbe unique, et remplis d’une sainte ardeur ils chantent ses louanges sans se lasser jamais. « Bienheureux, dit un psaume, ceux qui habitent dans votre maison ; ils vous loueront aux siècles des siècles[1]. »
7. Aussi nous demandons encore maintenant ce qui suit : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » En recevant le baptême, tous nos péchés absolument sont effacés Mais on ne saurait ici vivre sans péché. Ces péchés peuvent n’être pas de ces grands crimes qui excluent de la table sacrée ; cependant personne ne saurait sur cette terre être exempt de fautes, et d’un autre côté nous ne pouvons recevoir qu’une seule fois le baptême. Aussi nous avons dans la prière le moyen de nous purifier chaque jour, d’obtenir chaque jour la rémission de nos péchés, mais à. la condition d’accomplir ce qui suit : « Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Vous donc, mes frères, qui êtes mes enfants dans la grâce de Dieu et mes frères sous son autorité paternelle, je vous donne cet avis, lorsque quelqu’un vous a offensés, vous a manqué, s’il vient à vous et avoue sa faute, s’il vous demande pardon, pardonnez-lui aussitôt et pardonnez-lui du fond du cœur, afin de ne pas éloigner de vous le pardon que Dieu même vous envoie. Car si vous ne pardonnez pas, il ne vous pardonnera pas non plus ; et si nous faisons cette demande en cette vie, c’est qu’ici l’on peut pardonner, puisqu’ici peuvent se commettre des péchés ; tandis que dans l’autre monde on ne pardonne pas, puisque les péchés ne s’y commettent pas.
8. Nous ajoutons en effet : « Ne nous livrez pas à la tentation, mais délivrez-nous du mal. » Dans cette vie en effet il faut demander de n’être pas livrés à la tentation, car il y a ici des tentations ; et d’être délivrés du mal, parce qu’il y a du mal ici. Ainsi, de ces sept demandes, trois se rapportent à la vie éternelle et quatre à la vie présente. À la vie éternelle : « Que votre nom soit sanctifié », car il le sera toujours ; « Que votre règne arrive », car ce règne sera éternel ; « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », car elle le sera éternellement. À la vie présente : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ; » car nous n’en aurons pas besoin toujours ; « Pardonnez-nous nos offenses ; » ce qu’il ne faudra pas faire éternellement ; « Ne nous livrez pas à ta tentation ; » ce quine sera pas toujours à craindre : « Mais délivrez-nous du mal », auquel nous ne serons pas toujours exposés. Ici seulement où se rencontre la tentation, où se rencontre le mal, on doit demander ces grâces.

  1. Psa. 83, 5