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SERMON LIX. DE L’ORAISON DOMINICALE[1].

ANALYSE. – Cette nouvelle explication de l’oraison dominicale ; adressée légalement aux Cathécumènes, est le résumé des précédentes.


1. Vous venez de réciter ce que vous croyez ; apprenez ce que vous devez demander. Vous ne sauriez prier Dieu sans croire en lui, car l’Apôtre dit : « Comment l’invoqueront-ils s’ils ne croient pas en lui[2] ? » Aussi vous a-t-on enseigné d’abord le Symbole qui contient la règle de votre foi ; règle singulière, aussi courte qu’elle est grande, car elle est courte en paroles et grande en pensées. Quant à la prière qu’on vous a donnée à apprendre aujourd’hui et à répéter clans huit jours, vous l’avez vu pendant la lecture de l’Évangile, elle a été enseignée par le Seigneur lui-même à ses Apôtres et des Apôtres elle est parvenue jusqu’à nous, car leur voix a retenti par toute la terre[3].
2. Gardez-vous donc de vous attacher aux choses de la terre, puisque vous avez un Père dans les cieux… Vous allez dire : « Notre Père qui êtes aux cieux. » A quelle grande famille vous commencez à appartenir ! Sous l’autorité de ce Père, le maître et le serviteur sont frères également ; sous lui sont frères, encore l’Empereur et le soldat ; le riche et le pauvre sont aussi ses enfants. Tous les chrétiens fidèles ont sur la terre des pères différents, les uns nobles et les autres roturiers ; mais tous invoquent un Père unique qui est dans les cieux. Or, si notre Père est là ; c’est là qu’il nous préparé un héritage ; car il veut que nous possédions avec lui ce qu’il nous donne. Il nous donne un héritage, mais ce n’est pas un héritage qu’il nous abandonne ne mourant. Il ne nous quitte pas, il reste où il est et nous appelle à lui. Nous savons qui nous devons prier ; sachons aussi ce que nous devons demander, pour ne pas offenser un tel Père par des suppliques inconsidérées.
3. Qu’est-ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous enseigne à demander à ce Père qui est dans les cieux ? « Que votre nom soit sanctifié. » Quel avantage y a-t-il pour nous de demander à Dieu que son nom soit sanctifié ? Le nom du Seigneur est toujours saint, et demander qu’il soit sanctifié n’est-ce pas demander que nous le soyons par lui ? Nous demandons que ce qui est toujours saint soit sanctifié en nous ; que ce nom soit sanctifié en vous quand vous recevrez le baptême. Vous le demanderez encore après avoir été baptisés : n’est-ce donc pas pour obtenir de conserver ce que vous recevrez alors ?
4. Voici une autre demande : « Que votre règne arrive. » Que nous le demandions ou que nous ne le demandions pas, le règne de Dieu viendra. Pourquoi le demander, si ce n’est pour obtenir qu’il vienne pour nous comme pour tous les saints, et que Dieu nous mette au nombre de ses saints, pour qui viendra son règne ?
5. Nous disons à la troisième demande « Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Qu’est-ce à dire ! Faites que nous vous servions sur la terre comme vous servent les Anges dans le ciel. Ses Anges saints lui obéissent, ils ne l’offensent pas et exécutent ses ordres avec amour. Nous demandons aussi la grâce d’accomplir avec charité les divins commandements. On peut encore entendre autrement ces paroles « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » En nous le ciel est l’âme, la terre est le corps. Comment expliquer alors : « Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel ? » Que notre chair nous obéisse, comme nous obéissons à vos préceptes ; car si la chair et l’esprit luttaient contre eux, nous serions moins capables d’accomplir les divins commandements.
6. Nous lisons encore la même prière : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. » Que, nous entendions ici les choses dont le corps a besoin, comprenant dans le pain tout ce qui lui est nécessaire ; ou que nous ayons en vue ce pain quotidien que vous irez recevoir à l’autel ; nous avons raison de le demander à Dieu. Qu’implorons-nous en effet, sinon la grâce de ne faire aucun mal qui doive nous priver de ce pain ? La parole de Dieu que l’on vous prêche chaque jour est aussi du pain. Si elle n’est pas le pain du corps, il ne s’ensuit point qu’elle ne soit

  1. Mat. 6, 9-13
  2. Rom. 10, 14
  3. Psa. 18, 5