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dans le cœur du pauvre, et elle priera pour toi le Seigneur [1]. »
12. Quelles ne seraient pas nos angoisses, si après avoir obtenu la rémission de nos péchés dans le sacrement de la régénération, nous n’avions pas reçu la grâce de nous purifier chaque jour par une sainte prière ? L’aumône et l’oraison nous purifient de nos fautes, si toutefois nous n’en commettons point qui nous condamnent à être privés du pain quotidien, si nous évitons les crimes auxquels sont sûrement réservés les derniers supplices. Ne vous prétendez pas justes ; ne croyez pas être, dispensés de dire : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Tout en s’abstenant de l’idolâtrie, des pratiques de l’astrologie et des remèdes des enchanteurs ; des séductions de l’hérésie et des divisions du schisme ; de l’homicide, de l’adultère et de la fornication ; du vol et de la rapine ; du faux témoignage et des autres crimes que je ne nomme pas et dont les funestes effets vont jusqu’à faire éloigner de l’autel et lier à la fois sur la terre et dans le ciel, ce qui est fort dangereux, ce qui perd irrémédiablement, à moins qu’on ne soit absous en même temps sur la terre et dans le ciel ; en évitant donc tous ces péchés, on ne laisse pas d’être exposé, à pécher encore. On pèche en regardant avec plaisir ce qu’il faut ne pas voir. Mais qui peut maîtriser l’agilité du regard ? Ne dit-on pas que c’est de là que l’œil a pris son nom : oculus a velocitate ? Qui peut donc maîtriser l’ouïe ou la vue ? Il suffit de vouloir fermer les yeux, et ils se ferment ; mais pour fermer les oreilles il faut des efforts et élever les mains jusqu’à elles. T’empêche-t-on d’y porter la main ? elles demeurent ouvertes et tu ne saurais les fermer aux paroles médisantes, impures, adulatoires et trompeuses. Or entendre, même sans le faire, ce qu’il ne faut pas, n’est-ce pas pécher, quand on écoute le mal avec plaisir ? Que de fautes ne commet pas une mauvaise langue ? Elles suffisent quelquefois pour éloigner de l’autel. C’est la langue qui est cause des blasphèmes ; c’est elle qui dit une multitude de paroles vaines qui ne vont pas au but de la vie. Que la main s’abstienne du mal et que les pieds n’y courent pas ; que l’œil ne se porte à aucune impureté ; que l’oreille ne s’ouvre volontairement à aucune turpitude ; que la langue ne profère rien d’indécent, mais qui peut comprimer ses pensées ? Très souvent, mes frères, nous pensons à autre chose dans la prière ; on dirait que nous oublions devant qui nous sommes debout ou prosternés. En amassant sur toi toutes ces fautes, si légères qu’elles soient, n’en seras-tu pas écrasé ? Qu’importe d’être chargé de plomb ou de sable ? Le plomb ne fait qu’une masse, le sable consiste dans des grains séparés, mais leur multitude accable. Tels sont les péchés légers. Ne vois-tu pas aussi que de petites gouttes d’eau suffisent pour gonfler les fleuves et entraîner les terres ? La légèreté est compensée par le nombre.
13. Disons donc chaque jour, disons du fond du cœur et en conformant nos œuvres à nos paroles : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » C’est une espèce d’engagement, c’est un pacte, un contrat que nous faisons avec Dieu. Pardonne et je pardonne, te dit le Seigneur ton Dieu. Tu ne pardonnes pas ? C’est toi alors et non pas moi qui plaides contre toi-même. Ah ! mes très-chers enfants, je sais ce qui vous convient dans cette divine prière et principalement cet article : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés : » écoutez-moi donc. Vous allez recevoir le baptême ; pardonnez tout : que chacun pardonne de tout son cœur ce qu’il y ressent contre qui que ce soit. Entrez avec ces dispositions dans l’eau sainte et soyez sûrs que vous y serez purifiés de tous les péchés que vous avez contractés, soit en naissant de vos parents selon la chair avec le péché originel, péché qui nous fait recourir avec les petits enfants à la grâce du Sauveur ; soit en ajoutant à ce premier péché des péchés de paroles, d’actions et de pensées ; oui, tout vous sera remis ; et vous sortirez.du bain sacré déchargés de toutes vos dettes, comme si le Seigneur en personne vous les avait remises.
14. Quant à ces péchés quotidiens, dont je vous ai déjà parlé et des quels il est nécessaire de vous purifier en disant chaque jour : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; » que ferez-vous ? Vous avez des ennemis ; qui peut en effet vivre ici-bas sans avoir d’ennemi ? Appliquez-vous à les aimer. Non, aucun ennemi ne peut te nuire en te haïssant, autant que tu te nuis à toi-même en ne l’aimant pas. Il peut nuire à ta campagne, à tes troupeaux, à.ta maison, à ton serviteur, à ta servante, à ton fils, à ton épouse, et tout au

  1. Sir. 29, 15