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vous nous avez fait naître quand nous n’étions pas ; vous l’êtes, pour nous avoir fait renaître quand nous étions pécheurs. Vous l’êtes, pour nous avoir nourris quand nous vous abandonnions ; et vous l’êtes, pour nous relever et nous conduire depuis que nous sommes vos enfants vous êtes vraiment notre recours. Ah ! nous ne vous laisserons plus, quand vous nous aurez guéris de tous nos maux et enrichis de vos biens. Ici même vous nous faites du bien, vous nous caressez, pour nous empêcher de ressentir la fatigue de la route ; et si vous nous corrigez, si vous nous châtiez, si vous nous frappez, si vous nous redressez, c’est pour nous empêcher de nous égarer. Ainsi donc, soit que vous nous caressiez pour nous épargner la fatigue, soit que vous nous frappiez pour nous préserver de l’égarement : « vous êtes, Seigneur, notre recours. »


SERMON LVI. DE L’ORAISON DOMINICALE[1].

ANALYSE. – Avant d’admettre les Catéchumènes au Baptême, on leur apprenait et on leur expliquait le symbole ; puis, huit jours seulement avant de leur conférer le sacrement de la régénération, l’oraison dominicale. Après avoir exposé pourquoi on enseignait le symbole avant l’oraison dominicale, saint Augustin rappelle qu’il y a deux écueils à éviter dans la prière : il est des êtres qu’il ne faut pas prier et il est des choses qu’il ne faut pas demander dans la prière. C’est surtout pour régler nos désirs que le Sauveur nous a enseigné l’oraison dominicale. Saint Augustin explique ensuite chacun des articles qui la composent, il insiste particulièrement sur l’amour des ennemis.


1. En montrant que l’époque actuelle, l’époque où toutes les nations devaient croire en Dieu, avait été prédite par les prophètes, le bienheureux Apôtre cite le témoignage suivant : « Et il sera ainsi : Quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé[2]. » Autrefois en effet les seuls Israélites invoquaient le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre ; et les autres peuples imploraient soit des idoles muettes et sourdes qui ne les entendaient point, soit des démons qui les écoutaient pour faire leur malheur. Mais depuis qu’est venue la plénitude des temps, on voit s’accomplir cette prophétie : « Et il sera ainsi : « quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé. » Mais les Juifs étaient jaloux devoir l’Évangile annoncé aux gentils ; ceux-mêmes d’entre eux qui croyaient au Christ prétendaient qu’on ne devait pas porter la parole du Christ à quiconque n’était pas circoncis. C’est contre ces envieux que l’Apôtre Paul cite ce témoignage : « Et il sera ainsi : quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ; » afin même de démasquer davantage l’aveuglement de leur haine jalouse, il ajoute aussitôt : « Mais comment l’invoqueront-ils, s’ils ne croient pas en lui ? Et comment y croiront-ils, s’ils n’en ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, si personne ne les prêche ? Et comment les prêchera-t-on, si l’on n’est pas envoyé ?[3] » Ainsi donc, à cause de ces paroles : « Comment l’invoqueront-ils, s’ils ne croient pas en lui ? » vous avez reçu d’abord, non pas l’oraison dominicale, puis le symbole ; mais le symbole pour vous apprendre à croire, puis l’oraison pour vous apprendre à prier. Le symbole est l’expression de la foi, et l’oraison de la prière ; car c’est celui qui croit qui est exaucé quand il prie.
2. Beaucoup néanmoins demandent ce qu’ils ne devraient pas demander, parce qu’ils ignorent ce qui leur est utile. D’où il suit qu’on doit dans la prière éviter deux écueils : et de solliciter ce qu’il ne faut pas, et d’implorer qui on ne doit pas. Il ne faut rien demander ni au diable, ni aux idoles, ni aux démons ; mais à Jésus-Christ Notre-Seigneur et notre Dieu, lequel est en même temps le Dieu et le père des prophètes, des apôtres et des martyrs ; mais au Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à Dieu qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, il faut demander tout ce qu’on doit demander. Qu’on se garde donc bien de solliciter de lui ce qu’on ne doit pas requérir. On doit demander la vie, mais que sert de la demander à des idoles sourdes et muettes ? Que te servirait aussi de demander à notre divin Père qui est dans les cieux,

  1. Mt. 6, 7-13
  2. Jl. 2, 32
  3. Rom. 10, 13-15