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Autre question : As-tu de l’entendement ? Oui, réponds-tu. – De fait, si tu ne pouvais, sans la mémoire, retenir ce que j’ai dit ; tu ne saurais le comprendre sans l’entendement. Tu as donc de l’entendement ; cet entendement, tu l’appliques à ce que garde ta mémoire, tu comprends alors, et comprendre c’est savoir. Troisième question : Tu as de la mémoire pour retenir ce qu’on te dit ; tu as de l’entendement pour comprendre ce que tu retiens ; mais dis-moi : Est-ce volontairement que tu retiens et que tu comprends ? Sans aucun doute, reprends-tu. – Donc aussi de la volonté. Voilà les trois choses que j’avais promises de faire entendre à vos oreilles et à votre esprit. Elles sont toutes trois en toi, tu peux les compter sans pouvoir les séparer. Les voilà toutes trois mémoire, intelligence et volonté, remarque bien ; on les énonce séparément et elles agissent inséparablement.
20. Le Seigneur nous viendra en aide et déjà il y est venu : je le vois à la manière dont vous saisissez ; car ces acclamations me font sentir que vous comprenez, et j’espère qu’avec sa grâce vous comprendrez également tout le reste. J’ai promis de montrer trois choses qui s’énoncent séparément et qui agissent inséparablement. J’ignorais ce qu’il y a dans ton âme ; tu me l’as fait connaître en disant : la mémoire. Cette parole, ce son, ce trot a jailli de ton cœur à mes oreilles. Car avant de parler tu réfléchissais silencieusement à ce qu’on nomme – la mémoire. Tu le savais et tu ne me l’avais pas dit encore. Or afin de me le faire entendre, tu as prononcé ce mot, la mémoire. J’ai entendu, j’ai distingué les trois syllabes dont est composé ce terme, la mémoire. C’est en effet un mot de trois syllabes ; ce mot a été prononcé, il a frappé mes oreilles et a révélé quelque chose à mon esprit. Le son s’est évanoui ; la cause et l’effet du son demeurent. Dis-moi cependant : lorsque tu prononces ce mot : mémoire ? remarques-tu qu’il n’y est question effectivement que de la mémoire ? Les deux autres facultés ont leurs noms propres ; l’une s’appelle l’intelligence, l’autre la volonté et aucune la mémoire. Et pourtant afin de prononcer ce dernier mot, afin de produire ces trois syllabes, quel moyen as-tu employé ? Ce mot qui ne désigne que la mémoire a été formé en toi par la mémoire, qui te faisait retenir ce que tu disais ; par l’intelligence, qui te faisait comprendre ce que tu retenais ; enfin par la volonté, qui te portait à proférer ce que tu comprenais. Grâces au Seigneur notre Dieu ! Il a donné son secours à vous et à nous. Je le dis franchement à votre charité, je tremblais en commençant à discuter et à vous expliquer ce sujet. Je craignais qu’en faisant plaisir aux esprits plus avances, je ne vinsse à ennuyer fortement les intelligences plus lentes. Mais à votre attention et à l’activité de votre intelligence ; je vois que vous avez compris et que même avant moi vous preniez votre essor pour vous écrier : Grâces au Seigneur.
21. Voyez encore : je reviens sans inquiétude sur ce que vous avez compris ; je ne dis rien ale nouveau, je répète seulement, pour mieux Ici graver en vous, ce que vous avez parfaitement saisi. De ces trois facultés nous en avons nommé une, nous avons prononcé seulement le nom de la Mémoire, et ce nom qui n’appartient qu’à la mémoire, a été formé par les trois facultés réunies, On n’a pu nommer la mémoire qu’avec le concours (le la volonté, de l’intelligence et de la mémoire. On ne saurait non plus nommer l’intelligence qu’avec le concours de la mémoire, de la volonté et de l’intelligence ; ni nommer la volonté qu’avec le concours de la mémoire, de l’intelligence et de la volonté. Je crois donc avoir expliqué ce que j’ai promis d’expliquer ; j’ai vu réuni dans ma pensée ce que j’ai énoncé séparément. Il a fallu les trois facultés pour former le nom de l’une d’entre elles, et ce nom formé par les trois n’appartient qu’à une seule. Les trois ont formé le nom de la mémoire ; et ce nom n’appartient qu’à la mémoire. Les trois ont formé le nom de l’intelligence ; et ce nom ne désigne que l’intelligence. Les trois ont formé le nom de la volonté ; et ce nom n’appartient qu’à la volonté. Ainsi la Trinité a formé la chair du Christ ; et cette chair n’est qu’au Christ. Ainsi la Trinité a formé la colombe descendue du ciel ; et cette colombe ne désigne que l’Esprit-Saint. Ainsi la Trinité a fait entendre la voit d’en haut ; et cette voix n’appartient qu’au Père.
22. Que nul maintenant ne me dise, que nul n’essaie de tourmenter tua faiblesse en s’écriant : De ces trois facultés que tu as montrées dans notre esprit ou plutôt clans notre âme, laquelle désigne le Père, c’est-à-dire la ressemblance du Père, laquelle désigne le Fils et laquelle le Saint-Esprit ?