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pourquoi Dieu s’est-il fait homme, si l’homme ne se corrige point ? Écoute-moi, homme que tu es : C’est trop pour toi d’imiter ton Seigneur ? considère Étienne, serviteur comme toi. Saint Étienne était-il un homme ou était-il Dieu ? C’était un homme sans aucun doute ; il était ce que tu es ; ce qu’il a fait, il le doit à Celui que tu pries comme il le priait lui-même. Considère donc ce qu’il a fait. Il s’adressait aux Juifs, leur parlait avec sévérité et avec amour. Voici la preuve de ce double sentiment de sévérité et d’amour, je dois vous la mettre sous les yeux. Et d’abord la sévérité : « Têtes dures ! » Ainsi parlait saint Étienne aux Juifs : « Têtes dures, cœurs et oreilles incirconcis, toujours vous résistez à l’Esprit saint. Quel prophète vos pères n’ont-ils pas mis à mort ? » Voilà des paroles sévères ; voici maintenant des témoignages d’amour. Irrités et enflammés d’une haine nouvelle, ces malheureux veulent rendre le mal pour le bien, ils courent aux pierres et commencent à lapider le serviteur de Dieu. Ici, saint Étienne, donnez des preuves de votre amour ; ici, ici nous voulons vous voir, vous contempler, admirer en vous le vainqueur et le triomphateur de l’enfer. Nous vous avons entendu parler sévèrement à ces ennemis réduits au silence, examinons si vous les aimez pendant qu’ils vous lapident. Si vous les haïssez, si vous avec pu les haïr, maintenant surtout qu’ils vous martyrisent, vous devez le faire. Opposez-vous donc la dureté de cœur à ces dures pierres qui vous accablent de pierres ; ils sont vraiment aussi durs que les pierres lancées par eux contre vous ; leur Loi est gravée sur la pierre, et ils vous font expirer sous les pierres.
11. Assistons, mes bien-aimés, assistons à ce grand spectacle. Demain encore il nous sera offert, assistons-y. On lapide Étienne, représentez-vous attentivement cette scène. Courage, ô membre du Christ ! courage, ô athlète du Christ ! Considérez Celui qui pour vous a été suspendu à la croix. On le crucifiait, on vous lapide. Il dit alors. « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » Et vous, que dites-vous ? Je veux le voir, peut-être pourrais-je au moins vous imiter. – Le bienheureux Étienne commence par prier debout pour lui-même. « Seigneur Jésus, dit-il, recevez mon esprit. » Il s’agenouille ensuite afin de prier pour ses bourreaux : « Seigneur, ne leur imputez pas ce péché », et à ces mots il s’endormit[1]. Oh ! L’heureux sommeil ! oh ! Le repos véritable ! Le repos est ainsi de prier pour ses ennemis. Mais, ô saint martyr, exposez-moi un peu cette étrange conduite, pourquoi vous restiez debout en priant pour vous-même et pourquoi vous avez fléchi le genou en priant pour vos ennemis ? Il répond sans doute et nous le comprenons : Pour moi j’ai prié debout, parce que je priais Dieu que j’ai servi avec fidélité, et que je n’ai eu de peine ni à le prier ni à obtenir de lui. Il n’y a point de difficulté à prier pour le juste, c’est pourquoi il demeure debout en priant pour lui. Mais quand il s’agit de prier pour les Juifs, pour les meurtriers du Christ, pour les meurtriers des saints, pour ses propres bourreaux, il remarqua que leur impiété était extrême, excessive, que difficilement elle leur serait pardonnée, et il fléchit le genou. Courageux ouvrier, fléchissez le genou dans cette vigne ; oui, fléchissez le genou en travaillant à cette vigne, ouvrier courageux. Votre entreprise est grande, elle est glorieuse et digne de tout éloge. Vous avez creusé bien avant, puisque vous avez déraciné de votre cœur la haine de vos ennemis. Tournons-nous vers le Seigneur, etc.

  1. Act. 7, 51-59