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leurs mains il redemandera leur sang ; car il dit ailleurs par la bouche du même prophète : « Fils de l’homme, je t’ai établi sentinelle pour la maison d’Israël ; je te parlerai et tu leur annonceras mes paroles. Quand je dirai au pécheur : tu mourras de mort, si tu ne l’engages pas à se retirer de sa voie, le coupable mourra dans son crime, mais je demanderai son sang à ta main. Si au contraire tu engages ce coupable à s’écarter de sa voie et qu’il ne s’en écarte pas, il mourra dans son crime et tu auras délivré ton âme. » Voyez-vous, mes frères, voyez-vous combien il est dangereux de se taire ? Ce coupable meurt et il meurt justement ; il meurt dans son impiété et dans son péché ; mais c’est la négligence de son pasteur qui l’a tué. Il trouverait bien le Pasteur vivant, Celui qui s’écrie : « Je vis, dit le Seigneur ; » mais comme ce coupable est négligent et qu’il n’est pas averti par celui qui doit lui servir de chef et de sentinelle, il est avec justice livré à la mort, et le pasteur condamné avec justice. « Mais quand je menacerai l’impie du glaive, si tu lui dis : Tu mourras de mort, et qu’il néglige d’écarter cette épée suspendue, et qu’elle tombe sur lui et lui donne la mort, il mourra dans son péché, tandis que tu auras délivré ton âme. [1] » Notre devoir est donc de ne pas nous taire, et le vôtre, si nous nous taisions, de chercher dans les saintes Écritures les paroles du divin Pasteur.
21. Examinons donc, comme je l’ai proposé, s’il ôte ses ouailles aux mauvais pasteurs et les donne aux bons. Je remarque d’abord qu’il les ôte aux mauvais pasteurs, car il dit : « Voici que je viens moi-même vers ces pasteurs et je redemanderai mes brebis à leurs mains et je les éloignerai d’eux en sorte qu’ils ne paissent plus ni mes brebis ni eux-mêmes. » En effet, lorsque je leur dis de paître mes brebis, ils se paissent eux-mêmes et non pas elles. « Je les éloignerai », donc « afin qu’ils ne les paissent plus. » Et comment les éloigne-t-il pour qu’ils ne paissent plus ses brebis ? « Faites ce qu’ils disent et gardez-vous de faire ce qu’ils font[2]. » Comme si nous lisions : Ils disent ce qui vient de moi, ils font ce qui vient d’eux. S’il y avait ##Rem Faites tranquillement ce qu’ils font, je les condamnerai pour leur mauvaise vie, mais je vous épargnerai parce que vous n’avez fait que suivre vos guides ; si Dieu parlait ainsi, il intimiderait seulement ces pasteurs mauvais qui ne paissent qu’eux-mêmes. Mais il menace également le guide aveugle et l’aveugle qui le suit ; il ne dit pas : Le guide aveugle tombe dans la fosse sans que s’y précipite celui qui le suit ; il dit : « Quand un aveugle conduit un aveugle, ils tombent l’un et l’autre dans l’abîme [3] ; » c’est pourquoi il donne à son troupeau ces avertissements « Faites ce qu’ils disent, gardez-vous de faire ce qu’ils font. » Quand vous ne faites pas ce que font ces mauvais pasteurs, ce n’est pas eux qui vous paissent ; mais c’est moi qui vous pais lorsque vous faites ce qu’ils disent, car ce qu’ils disent vient de moi, bien qu’ils ne le fassent pas. Nous sommes sans inquiétude, dit-on, parce que nous suivons nos évêques. C’est ce que répètent souvent les hérétiques, lorsqu’ils sont manifestement convaincus par la vérité. Nous ne sommes que des brebis, ils rendront compte de nous. Oui, ils rendront malheureusement compte de votre mort ; le mauvais pasteur rend malheureusement compte de la mort d’une brebis mauvaise ; il montre en quelque sorte sa dépouille cette brebis en est-elle plus vivante ? On reproche au pasteur de n’avoir pris aucun souci de la brebis égarée, laquelle, pour ce motif, s’est jetée à la gueule du loup pour en être dévorée. Que lui sert d’en apporter la peau avec les signes qui la distinguent ? C’est de la vie de sa brebis que s’inquiète le Père de famille. Au lieu de cela, le mauvais pasteur lui en rapporte la peau : qu’il rende compte de cette peau. Osera-t-il mentir ? Mais le Juge a tout vu du haut du ciel ; en vain on essaiera près de lui un langage trompeur, il connaît les pensées. C’est de la peau de cette brebis qu’il a laissé mourir, que ce mauvais pasteur est obligé de rendre compte. Je lui ai fait entendre vos paroles, elle a refusé de s’y montrer docile ; j’ai pris soin de l’empêcher de s’écarter du troupeau, elle ne m’a pas obéi. Parler de la sorte, si ce langage était vrai, et Dieu sait s’il est vrai, ce serait assurément se bien défendre de la perte d’une brebis mauvaise. Mais si Dieu a vu que ce pasteur a négligé la brebis égarée et n’a point recherché la brebis perdue, que lui sert de pouvoir en rapporter la dépouille ? C’est la brebis même qu’il faudrait montrer vivante et non la peau d’un cadavre. Voilà ce qui fait son malheur au moment où il rend ses comptes. Mais s’il est coupable de ne l’avoir pas cherchée quand elle s’égarait, que penser de celui qui a causé cet

  1. Eze. 30, 2-9-2
  2. Mt. 23, 3
  3. Mt. 15, 14