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espoir. Un ange montrait à un homme un grand nombre de divines merveilles, et levant en quelque sorte ses regards vers la montagne, cet homme l’adorait. Mais détachant de sa personne et conduisant au Seigneur, l’ange répondit : « Garde-toi de le faire ; adore Dieu, car je suis serviteur comme toi et comme tes frères[1]. »
18. « Elles se sont dispersées sur toutes les montagnes, sur toutes les collines et sur toute la surface de la terre. » Que signifie : Elles se sont dispersées sur toute la face de la terre ? Elles s’attachent à tout ce qui est terrestre, à tout ce qui brille sur la face de la terre, elles convoitent et aiment tout cela. Elles ne veulent pas de cette mort qui rendrait leur vie cachée en Jésus-Christ. Sur toute la race de la terre ; parce qu’elles aiment les choses terrestres et parce que dans tout l’univers il y a des brebis égarées ; non que chaque secte hérétique soit répandue partout, mais il y a partout des sectes hérétiques. Les unes occupent un pays, les autres un pays différent, il n’est point de contrée où il n’y en ait ; elles-mêmes ne se connaissent pas toujours. Cette secte, par exemple, est en Afrique, cette autre en Orient, celle-ci en Égypte et celle-là en Mésopotamie. Différentes dans les différents pays, elles ont toutes une même mère, l’orgueil : comme tous les chrétiens fidèles répandus dans l’univers ont pour unique mère l’Église catholique. Rien d’étonnant sans doute que l’orgueil produise la division et que la charité produise l’unité. L’Église mère cependant, c’est-à-dire ses pasteurs, cherche partout les brebis égarées, elle fortifie les faibles, soigne les malades, panse les blessées. Ces brebis sont séparées les unes des autres et ne se connaissent pas, mais l’Église les connaît toutes parce qu’elle est partout où elles sont. Ainsi, par exemple encore, en Afrique est le parti de Donat et il n’y a point ici d’Eunomiens ; mais l’Église catholique est ici avec les Donatistes. Il y a en Orient, des Eunomiens et point de Donatistes ; là encore est l’Église catholique avec les Eunomiens. Elle est donc comme une vigne qui étend partout ses rameaux, et les sectaires sont comme ces sarments inutiles que la serpe du vigneron a retranchés à cause de leur stérilité, pour tailler la vigne et non pour la détruire. Aussi ces sarments sont-ils restés au lieu même où ils ont été coupés, tandis que la vigne s’étend partout, sentant en elle les branches qui lui demeurent et voyant près d’elles les branches coupées. Elle ne laisse pas néanmoins de rappeler les égarées, car des branches même retranchées l’Apôtre a dit : « Dieu peut les enter de nouveau [2]. » Soit donc que tu compares les sectaires à des brebis écartées du troupeau ou à des rameaux séparés du cep, Dieu n’est pas moins capable de rappeler ces brebis que d’enter de nouveau ces rameaux, car il est le pasteur suprême et le vrai vigneron. « Elles ont été dispersées sur toute la face de la terre, et il n’y avait personne pour les rechercher, personne pour les rappeler. » Personne parmi ces mauvais pasteurs ; personne, aucun homme, pour les rechercher.
19. « Écoutez donc la parole de Dieu, ô pasteurs. Je vis, dit le Seigneur Dieu. » Remarquez ce commencement. Cette affirmation de sa vie est comme le serment de Dieu. « Je vis, dit le Seigneur. » Les pasteurs sont morts, mais les brebis peuvent être tranquilles : le Seigneur est vivant. « Je vis, dit le Seigneur Dieu. » Et quels pasteurs sont morts ? Ceux qui cherchent leurs intérêts et pas ceux de Jésus-Christ[3]. Il y aura donc et l’on verra des pasteurs qui chercheront les intérêts de Jésus-Christ, et non les leurs ? Oui, il y en aura et on les connaîtra ; il n’en manque pas aujourd’hui et il n’en manquera pas. Examinons donc ce que prétend le Seigneur en disant qu’il est vivant. Dit-il qu’il ôtera les brebis aux mauvais pasteurs, qui se paissent au lieu de les paître, et qu’il les confiera à de bons pasteurs, à des pasteurs qui les paîtront au lieu de se paître ? « Je vis, dit le Seigneur Dieu, parce que, mes brebis sont devenues la proie de tous les animaux des champs, vu qu’elles étaient sans pasteur. » Il a déjà fait entendre ce mot de pasteur, au singulier, il le répète ici. C’est que pour ces brebis égarées misérablement et misérablement perdues, il n’y a point de pasteur, fût-il près d’elles ; comme la lumière, si présente qu’elle soit, n’est pas lumière pour les aveugles. – « Et ces pasteurs n’ont pas recherché mes brebis ; ils se paissaient eux-mêmes et ne paissaient pas mes brebis. »
20. « C’est pourquoi, écoutez, pasteurs, la parole de Dieu. » À quels pasteurs s’adresse-t-il ? « Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Je viens moi-même vers ces pasteurs, et je redemanderai mes brebis à leurs mains. » Troupeaux de Dieu, écoutez et retenez. Le Seigneur redemande ses brebis aux mauvais pasteurs, et de

  1. Apoc. 22, 9
  2. Rom. 11, 23
  3. Phil. 3, 24