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a été conduit à la mort par les iniquités de mon peuple.2
7. « Je lui donnerai donc les méchants pour sa sépulture. » Que signifie : « Je lui donnerai les méchants pour sa sépulture et les riches pour sa mort ? » Les méchants pour sa sépulture et les riches pour sa mort. Ce riche d’Arimathie, Joseph se présenta à Pilate lorsque le Seigneur était suspendu à la croix et demanda d’enlever son corps ; Pilate consentit qu’il fût enseveli. Ainsi des riches lui ont été donnés pour sa mort, et Joseph ensevelit ce pauvre en qui il voyait son trésor véritable. Ainsi s’expliquent les riches pour sa mort. Ce que le prophète dit en dernier lieu s’est accompli d’abord, et ce qu’il dit d’abord ne s’accomplit qu’ensuite. « Et les méchants pour sa sépulture. » Où montrer la réalisation ? « Les Juifs abordèrent Pilate et lui dirent : Seigneur, nous avons appris que cet imposteur a dit à ses disciples qu’il ressuscitera après sa mort ordonnez de garder son sépulcre, dans la crainte que ces mêmes disciples ne viennent la nuit, ne l’enlèvent, car cet artifice serait pire que le premier. Vous avez des soldats, leur répondit Pilate, allez et gardez-le comme vous l’entendez. » Ils prirent donc des soldats et les placèrent prés du sépulcre[1]. Ne sont-ce pas là les méchants donnés pour sa sépulture, pour garder son tombeau ? Comment prouver que c’était des méchants ? Ils ne sont pas coupables pour avoir été envoyés, le juge leur a donné ses ordres, ils sont venus près du sépulcre et l’ont gardé. – Mais pour savoir qu’ils sont méchants, lis l’Évangile. Le Seigneur étant ressuscité, ces soldats virent l’Ange, furent frappés de terreur et consternés. L’Ange disait à d’autres : « Ne craignez pas ; » mais ceux-ci furent accablés de frayeur parce qu’ils n’étaient point soulevés par la foi. Malgré ce qu’ils avaient vu, ils vinrent trouver les Juifs et leur rapportèrent tout ce qui s’était passé. Voici de l’argent, répartirent les Juifs. Ces soldats étaient donc corrompus, puisqu’ils voilèrent la vérité et vendirent le mensonge. Et comment le vendirent-ils ? Il n’est pas étonnant qu’aveugles ils aient vendu le mensonge à des aveugles. « Publiez, leur dit-on, que pendant votre sommeil ses disciples sont venus et l’ont enlevé. » O vanité marchande de vanité pour les hommes vains ! Les hommes vains en effet écouteront cette fable et y croiront. Tel est encore aujourd’hui ce qui se dit parmi les Juifs, telle est l’opinion publique ; et qui pourrait exprimer combien elle est, vaine, fausse, ridicule[2] ? Ils refusent de se rendre au témoignage des martyrs pour y puiser la vie, et pour se perdre ils se rendent à la déposition de témoins endormis. Si les gardes dormaient, comment ont-elles pu savoir qui l’a enlevé du tombeau ? Dans le cas contraire, ô méchant, pourquoi veillais-tu ? O méchant, ce n’est pas sans motif que le prophète a dit de toi : « Je lui donnerai des méchants pour sa sépulture. » O méchants, ô pervers : ou bien vous veilliez, et vous avez dû garder le sépulcre ; ou bien votes dormiez, et vous ignorez ce qui s’est passé. Ici donc nous voyons ce qui longtemps auparavant le Saint-Esprit avait annoncé par la bouche du Psalmiste : « Ils ont conçu un dessein qu’ils n’ont pu faire prévaloir[3]. »
8. Par conséquent, mes très-chers frères, nous tous pour le salut desquels ont été faites et accomplies toutes ces prédictions, rendons grâces à la divine miséricorde, et travaillons de toutes nos forces à puiser dans les bienfaits de Dieu, non pas notre condamnation, mais notre profit, afin qu’au jour redoutable du jugement et qu’au moment de rendre nos comptes, nous rendions intégralement au Seigneur et Sauveur qui nous jugera ce qu’il nous a obtenu après avoir été jugé. Il doit sans doute ; à son dernier avènement, accorder ce qu’il a promis ; mais aussi doit-il réclamer ce qu’il a racheté et redemander alors ce qu’il a donné à l’époque de son premier avènement. Nous devons présumer beaucoup de la miséricorde de Dieu ; mais nous ne devons pas redouter indolemment sa justice, car s’il t’a racheté avec miséricorde, il te jugera avec justice : et si nous péchons, s’il nous épargne si longtemps, ce n’est point négligence, mais patience ; ce n’est point qu’il ait perdu sa puissance, c’est qu’il nous invite à la pénitence. Donc en désirant sa miséricorde, craignons sa justice. Il nous épargne aujourd’hui, mais il ne se tait pas, et s’il se taisait il ne le ferait pas toujours ; et si nous voulons qu’il nous épargne quand il parlera au jugement, écoutons-le maintenant qu’il nous donne ses commandements. Maintenant en effet il nous octroie sa miséricorde, mais alors il exigera la justice et rendra à chacun selon ses œuvres ; ainsi s’accomplira ce que dit un Apôtre : « Jugement sans miséricorde à qui n’a point fait miséricorde[4].

  1. Mt. 37, 67-68
  2. Mt. 28, 1-15
  3. Ps. 20, 12
  4. Jac. 2, 13