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femme sage, celle qui a cherché à comprendre, qui a observé ce qu’elle a compris ; celle-là est en bénédiction, et non ces fausses apparences, cette vaine grâce. La femme sage est en bénédiction. « Or elle célèbre la crainte du Seigneur. » Cette femme que l’on bénit, loue, parce qu’elle est sage, le principe même des bénédictions qu’elle reçoit. Que loue-t-elle ? La crainte du Seigneur qui l’a menée jusqu’à la sagesse ; car la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse [1]. « Or elle célèbre la crainte du Seigneur. » Cette femme s’est montrée tant de fois laborieuse durant la nuit, patiente au milieu de tant de scandales, prévoyante dans l’attente, forte à souffrir, constante à persévérer : ses travaux sont finis. « Donnez-lui du fruit de ses mains. » Elle a produit, elle a produit, elle est digne de recueillir. « Donnez-lui du fruit de ses mains. » — « Que lui donner ? Venez, bénis de mon père. » — « Donnez-lui du fruit de ses mains. » — Que lui donner ? — « Recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde. » — Voilà ce qu’il faut lui donner. — Et de quels fruits de ses mains ? -  « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger[2]. » — « Donnez-lui du fruit de ses mains. »

30. Et ses travaux terminés, qu’aura-t-elle à faire ensuite ? « Que son Époux soit loué aux portes de la ville. » Voir Dieu, louer Dieu, tel sera le port heureux où aboutiront nos travaux. Là on ne dira plus : Lève-toi, travaille, donne des vêtements à tes serviteurs, prépare-t’en à toi-même, orne-toi de pourpre, distribue des aliments à ta famille, ne laisse pas s’éteindre la lampe, sois vigilante, lève-toi la nuit, ouvre ta main au pauvre, remplis ton fuseau ; tu ne travailleras plus pour le besoin, il n’y aura plus de besoin ; tu n’y romps pas le pain au pauvre, personne ne mendie ; tu ne reçois point d’étranger, chacun vit dans sa patrie ; tu ne visites point des malades, tous jouissent d’une santé inaltérable ; tu ne couvres point ceux qui sont nus, tous sont revêtus de l’éternelle lumière ; tu n’ensevelis pas de mort, tous vivent sans fin. Quoique néanmoins tu ne fasses rien de tout cela, tu n’es pas à rien faire. Tu verras Celui que tu as désiré, et tu le loueras sans relâche. Voilà le fruit que tu recueilleras. Tu jouiras alors de cette grâce unique que tu as sollicitée : « J’ai demandé une grâce au Seigneur, je la demanderai encore, c’est d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie. » Et qu’y feras-tu ? « Et d’y contempler les délices du Seigneur[3]. — Et que son Époux soit loué aux portes de la ville. « Heureux ceux qui habitent dans votre demeure, ils vous loueront dans les siècles des siècles[4]. »

SERMON XXXVIII.

DÉTACHEMENT DU MONDE.[5].

ANALYSE. — Nous contenir et souffrir sont deux vertus que tout ici nous invite à pratiquer avec soin. — I. C’est le moyen de conquérir le ciel. En effet 1° les biens et les maux sont mêlés ici-bas, distribués indistinctement aux bons et aux méchants ; il faut mériter par la souffrance et la tempérance les biens qui seront l’exclusif partage des justes. 2° Sans doute il faut travailler ; mais n’est-ce pas la loi naturelle, que tout serviteur travaille, avant d’obtenir son salaire ? 3° Ne ferons-nous pas pour un bonheur aussi important ce que l’on fait pour donner aux passions une satisfaction si vide et si douteuse ? — II. C’est le moyen de conserver les biens de la terre. En effet 1° Jésus-Christ l’assure formellement dans l’Évangile en s’adressant au jeune homme riche qui demandait à le suivre. 2° Il assure même que faire l’aumône en son nom c’est lui prêter et lui donner à lui-même. Est-il des mains plus sûres que les siennes ? 3° Les pauvres deviennent ainsi comme les porteurs au ciel des aumônes des riches chrétiens. — Donc réveillons notre foi, surtout dans ces temps de calamité, et ne nous attachons qu’à ce qui dure.

1. Deux vertus nous sont commandées dans cette vie laborieuse : nous contenir et souffrir. Il nous est ordonné de nous contenir à l’égard de ce que l’on appelle biens dans ce monde et de souffrir ce que l’on y appelle maux. La première de ces vertus se nomme tempérance, la seconde patience ; et toutes deux purifient l’âme et la rendent capable de recevoir la nature divine. Nous avons besoin de tempérance pour mettre

  1. Psa. 110,40
  2. Mat. 25,34-36
  3. Ps. 26,4
  4. Ps. 83,6
  5. Sir. 2,1-3