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Veux-tu au contraire exciter la douleur et les gémissements de ton accusateur, c’est-à-dire du démon ? Fais ce que tu as entendu ; fais ce que tu as appris, et parle ainsi à ton Dieu : « Je l’ai dit, Seigneur, ayez pitié de moi ; guérissez mon âme, parce que j’ai péché contre vous [1]. « C’est moi, c’est moi qui l’aie dit : » ce n’est pas le démon, ce n’est pas la fortune, ce n’est pas le destin. « C’est moi qui l’ai dit : » je ne m’excuse pas, je m’accuse. « C’est moi qui l’ai dit ; Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez mon âme. » Et d’où vient sa maladie ? « De ce que j’ai péché contre vous.[2] »
4. Ainsi donc, « confessez le Seigneur, parce qu’il est bon. » Si tu veux louer, que peux-tu louer à plus juste titre que le Bien même ? Si tu veux louer, si tu veux confesser en louant, que peux-tu louer avec moins de crainte que le Bien même ? En louant un homme de ce qu’il est mauvais, tu te condamnes ; en confessant Dieu parce qu’il est bon, tu te purifies. Si tu veux confesser pour louer, et que tu cherches à développer la louange, ton esprit s’occupe de montrer combien ce que tu loues est bon ; car ce qui est bon mérite l’éloge, comme le blâme est mérité par ce qui est mauvais. Dieu est bon ; ce seul mot renferme la louange due à ton Seigneur. Si tu es bon toi-même, loue Celui dont émane ta bonté : si tu es mauvais, loue-le encore pour devenir bon. Car si tues bon, c’est à lui que tu le dois, et si tu es mauvais, tu l’es par toi-même. Quitte-toi et viens à Celui qui t’a fait : en te quittant tu te portes, et en te portant tu t’attaches à Celui qui t’a créé.
5. Quels biens ne cherches-tu pas, homme méchant ? Tu es méchant à coup sûr : dis-le-moi néanmoins, veux-tu autre chose que ce qui est bon ? Tu cherches un cheval, mais tu le veux bon : une terre, mais bonne encore ; tu ne veux qu’une bonne maison, qu’une bonne épouse, qu’une bonne tunique, que de bonnes chaussures ; il n’y a que l’âme que tu veuilles mauvaise. N’y a-t-il pas contradiction à vouloir tout bon et à rester mauvais ? Si tu cherches ce qui est bon, sois-le d’abord toi-même. À quoi servent tous les biens que tu t’es procuré en demeurant mauvais, puisque tu t’es perdu ? Aimez que vos âmes soient bonnes ; ayez en horreur qu’elles soient mauvaises. Mais c’est en aimant le principe de tout bien que vous deviendrez bons. Détestez donc le mal qui est en vous et choisissez ce qui est bien.
6. Que signifie : hais le mal qui est en toi ? Confesse tes péchés avec repentir. En effet se repentir et confesser ses péchés avec repentir, c’est se fâcher contre soi et se venger en quelque sorte sur soi, par la pénitence, de ce qui déplaît en soi. Dieu hait effectivement le péché. Si tu hais en toi ce que Dieu y hait lui-même, tu t’unis à lui par cette communauté de volonté. Sévis donc contre toi pour obtenir que Dieu t’épargne, qu’il ne te condamne pas. Car sans aucun doute, le péché doit être puni ; il mérite condamnation et châtiment, et la peine lui doit être appliquée Soit par toi, soit par Dieu. Si tu le punis toi-même, tu t’épargnes ; si tu ne le punis pas, tu seras châtié avec lui. Ainsi, « confessez le Seigneur, parce qu’il est bon. » Louez-le, aimez-le de tout votre pouvoir. Répandez vos cœurs en sa présence ; il est notre soutien [3], « parce qu’il est bon. »


SERMON XXX. NÉCESSITÉ DE LA GRÂCE POUR ÉVITER LE PÉCHÉ.[4]

ANALYSE. – Comment pouvons-nous éviter d’être dominés par l’iniquité ? 1° Il est certain que la loi ne saurait nous préserver du péché ; nous avons besoin de la grâce du Rédempteur. 2° La nécessité de cette grâce nous apparaîtra mieux encore, si nous considérons les penchants vicieux que nous ressentons malgré nous : Dieu seul peut les redresser ; lui seul aussi peut nous aider a n’en être point les esclaves. 3° Prétendre qu’on est capable de n’y pas céder ; c’est un orgueil hautement condamné par le Fils de Dieu. Et nous sommes si peu capables, sans la grâce d’éviter, le péché, que nous ne pouvons sans le Christ faire le premier pas vers lui.


1. Sans aucun doute, mes frères, il désirait éviter le lourd fardeau, le joug pesant de l’iniquité, celui qui disait à Dieu : « Dirigez mes pas selon votre volonté, ne souffrez pas que je sois « dominé par aucune injustice. » Voyons donc quand est-ce que l’homme est dominé par l’injustice ; ainsi nous comprendrons la prière que nous

  1. Ps. 62, 9
  2. Ps. 40, 5
  3. Ps. 62, 9
  4. Ps. 118, 133