Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


encore il n’est point nommément fait mention du Fils : l’Apôtre ne parle que d’un seul Dieu et Seigneur de qui, par qui et en qui sont toutes choses.

Pourquoi donc avoir, choisi Moïse pour l’opposer à Jean l’Évangéliste et n’avoir pas voulu lui opposer l’Apôtre Paul ? Pourquoi ? C’était pour persuader aux hommes simples que les deux Testaments sont contraires, et pour obtenir le droit de n’en citer qu’un après avoir rejeté l’autre ; et c’est ce que professe cette secte égarée. Ah ! si, emporté par la démence, un autre hérétique entreprenait de prouver également auprès des simples, que le Nouveau Testament est contraire à lui-même, qu’aurait-il à faire qu’à les imiter ? Ne lui suffirait-il pas de montrer entre Paul et Jean la même opposition et le même désaccord qu’ils prétendent signaler entre Jean et Moïse ? Mais la foi sincère et véritable ne peut que faire ressortir l’harmonie doctrinale de Jean et de Paul, et dans ces paroles du grand Apôtre : « De lui, par lui et en lui sont toutes choses » elle fait voir le Fils et l’Esprit-Saint avec le Père. Elle considère de la même manière l’accord pacifique de Moïse et de Jean ; et si dans ces paroles de Moïse : « Dans le principe Dieu a fait le ciel et la terre, » elle entend le commencement des siècles, elle ne voit dans ce mot Dieu que l’unité ineffable de l’indivisible Trinité ; ou bien elle adore sans hésiter le Fils même de Dieu dans ce Principe en qui Dieu a fait le ciel et la terre.

Nous pourrions rapporter plusieurs autres passages des divines Écritures que l’on doit expliquer conformément à ces règles. Mais nous ne voulons point charger la mémoire de votre sainteté ; que ces citations suffisent. Vous pourrez d’ailleurs en chercher vous-mêmes ou en remarquer d’autres, lorsqu’on lit les livres saints, les examiner et les étudier pacifiquement entre vous : nous vous y exhortons.

Prière après le Sermon : Tournons-nous avec un cœur pur vers le Seigneur notre Dieu, le Père tout-puissant ; rendons-lui d’immenses et abondantes actions de grâces ; supplions de toute notre âme son incomparable bonté de vouloir bien agréer et exaucer nos prières ; qu’il daigne aussi, dans sa force, éloigner de nos actions et de nos pensées l’influence ennemie, multiplier en nous la foi, diriger notre esprit, nous donner des pensées spirituelles et nous conduire à sa propre félicité : au nom de Jésus-Christ, son Fils et notre Seigneur, lequel étant Dieu vit et règne avec lui dans l’unité du Saint-Esprit et durant les siècles des siècles. Ainsi-soit-il.



SERMON II.
LA TENTATION D’ABRAHAM[1].

ANALYSE. – Rien n’est plus admirable que la foi manifestée par Abraham lorsqu’il est question soit de la naissance, soit du sacrifice d’Isaac. Les Manichéens cependant s’offensent d’entendre dire à l’ancien Testament que Dieu tenta Abraham. Mais, 1° l’Évangile dit également que Jésus tenta Philippe ; 2° si Dieu tenta Abraham, ce n’était point pour connaître lui-même les dispositions de son âme, c’était pour les révéler soit à Abraham, soit à nous ; 3° qui n’est frappé des ressemblances figuratives que présente le sacrifice d’Isaac avec le sacrifice du Calvaire ? – N’oublions pas que dans ce grand acte de la vie d’Abraham se manifeste la foi qui produit les œuvres de la charité.

1. La lecture que vous venez d’entendre rappelle à notre mémoire la piété célèbre d’Abraham notre père : piété admirable ! quel cœur serait assez oublieux pour en perdre jamais le souvenir ? Et néanmoins je ne sais comment il arrive que toutes les fois qu’on en lit l’histoire, elle nous impressionne aussi vivement que si le spectacle était sous nos yeux. Cette foi est grande, grande est cette piété, non seulement envers Dieu mais encore envers le fils unique du patriarche. Père, il ne crut pas que ce fils pût souffrir d’aucune disposition prise par Celui qui l’avait créé ; car si Abraham était, selon la chair, le père d’Isaac, il ne pouvait être ni son créateur ni son auteur, comme l’était la majesté divine. Il est vrai, comme dit l’Apôtre, qu’Abraham n’eut pas ce fils selon la chair,

  1. Gen 22,1 ss