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vertu et ses différentes espèces. — « La vertu est une habitude de l’homme conforme aux dispositions de la nature et à la raison. En étudiant toutes ses parties, on comprendra jusqu’où s’étend le domaine de ce que nous appelons l’honnête. Elle a donc quatre parties : la prudence, la justice, force, la tempérance.

La prudence est la science de ce qui est bon, de ce qui est mauvais et de ce qui est indifférent. Elle se compose de la mémoire, de l’intelligence et de la prévoyance. La mémoire est la faculté qui rappelle à l’esprit ce qui a été. L’intelligence, est celle qui perçoit ce qui est. Par la prévoyance, l’esprit voit ce qui doit être avant qu’il n’arrive.

La justice est une disposition de l’âme qui, tout en ménageant l’utilité commune, attribue à chacun ce qui lui appartient. Elle a son point de départ dans la nature ; puis certaines choses étant passées en coutume à raison de leur utilité, la crainte des lois et la religion ont sanctionné ce qui avait été inspiré par la nature et approuvé par la coutume. Il y a un droit naturel, qui n’est point le fruit de l’opinion, mais qui est inspiré par une certaine puissance innée, comme le sont la religion, la piété, la bienveillance, la vindicte publique, le respect, la vérité. La religion s’occupe de cette nature supérieure qu’on appelle divine, et lui rend un culte. Par la piété, on remplit envers les parents et la pairie les devoirs de la bienveillance et on a pour eux une déférence convenable. La bienveillance renferme le sou- venir de l’amitié et le désir de récompenser les services. La vindicte repousse la violer ce, l’injustice et tout ce qui peut nuire, soit en les écartant soit en les punissant. Le respect attribue des honneurs ct une sorte de culte aux hommes élevés en dignité. La véracité exprime sans altération ce qui est, ce qui a été ou ce qui sera. Puis il y a un droit fondé sur la coutume, faiblement indiqué par la nature, mais entretenu et fortifié par l’usage ; comme la religion, et les autres vertus dont nous venons de parler, lesquelles, ayant leur point de départ dans la <nature, se sont fortifiées par l’habitude, ou encore sont passées en coutume chez le vulgaire à cause de leur antiquité. À ce genre se rattachent le pacte, l’égalité, la loi, la chose jugée : le pacte, quand une chose est convenue entre plusieurs personnes ; l’égalité, qui distribue à tous dans la même mesure ; la chose jugée, quand les intérèts d’un ou de plusieurs sont fixés par arrêts. Le droit légal est celui qui est exprimé par écrit et exposé aux yeux du peuple pour être observé. »

« La force consiste à affronter le péril et à supporter le travail avec mûre réflexion. Elle renferme la magnificence, la confiance, la patience, la persévérance. La magnificence consiste à méditer et à exécuter des choses grandes et sublimes, avec une large ct généreuse disposition de l’âme. Par la confiance, l’esprit place en lui-même un espoir puissant et assuré pour les choses grandes et honnêtes. La patience supporte volontairement et longtemps des choses ardues et difficiles, en vue de l’honnête ou de l’utile. La persévérance est une constance inébranlable après juste et mûre réflexion.

« La tempérance est l’empire ferme et réglé de la raison sur la passion et les mouvements désordonnés de l’âme. Elle renferme la continence, la clémence, la modestie. La continence assujétit la passion au joug de la prudence. La clémence retient, par un sentiment de bienveillance, l’âme agitée et entrainée témérairement à la haine. La modestie assure à la pudeur honnête un ascendant glorieux et solide.

2. « Or toutes ces vertus doivent être recherchées pour elles-mêmes, et sans vues d’intérêt. Il n’entre pas dans notre but de le démontrer ; ce serait d’ailleurs nous écarter de la brièveté qu’exige la simple exposition des règles. Quant aux choses qui leur sont opposées, comme la lâcheté l’est à la force, l’injustice à la justice, il faut aussi les éviter pour elles-mêmes ; et non-seulement celles-là, mais encore celles qui semblent rapprochées des vertus, bien qu’elles en soient très-éloignées. C’est ainsi que si la défiance est un vice pour être opposée à la confiance ; l’audace n’en est pas moins un, bien qu’elle ne soit point opposée à la confiance, qu’elle l’avoisine même. De cette manière, auprès de chaque vertu on trouvera un vice, ou ayant un nom connu, comme l’audace qui rapproche de la confiance, l’obstination voisine de la persévérance, et la superstition de la religion, ou n’ayant pas de nom déterminé : toutes choses que nous rangerons également parmi celles qu’il faut éviter comme contraires au bien. Mais en voilà assez sur cette espèce d’honnête qu’il faut rechercher absolument et pour soi. Maintenant il est bon de parler de l’espèce à laquelle l’utile vient s’adjoindre, et à qui nous