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Car en ce cas nous prierons, nous gémirons, nous appellerons à notre aide la main secourable de la divine miséricorde, et Dieu ne méprisera point le sacrifice de nos cœurs contrits, et en nous montrant l’horrible danger dont il nous aura délivrés, il accroîtra en nous les feux de son amour. L’erreur des faux frères, c’est que dans l’impossibilité de nier qu’ils dussent rechercher l’Esprit-Saint, l’auteur et le guide de leu liberté, ils ne croyaient pas qu’ils travaillaient à reculer, en revenant charnellement aux œuvres serviles. Aussi l’Apôtre ne dit-il pas : « Si nous « vivons par l’esprit » recherchons l’esprit, mais « Recherchons par l’esprit. » Ils étaient d’accord qu’on est obligé d’obéir à l’Esprit-Saint ; mais ils voulaient s’attacher à lui, non par leur esprit, mais par la chair, non pas en recherchant la grâce de Dieu par des moyens spirituels, mais en mettant l’espérance de leur salut dans la circoncision charnelle et les autres observances du même genre.
55. Eviter la vaine gloire[1]. — « Ne devenons pas avides d’une gloire vaine, envieux les uns des autres, nous provoquant les uns les autres. » Voilà qu’vient à propos et divinement bien : après avoir prémuni les Galates contre les faux docteurs qui cherchaient à les ramener sous l’esclavage de la Loi, il craint que plus éclairés maintenant et pour répondre aux attaques de ces hommes charnels ils ne se livrent aux contestations ; il craint aussi que déchargés des pratiques onéreuses de la Loi, le désir d’une gloire vaine ne les rende esclaves de vaines convoitises.


56. Correction fraternelle : dans quel esprit il faut la faire[2]. – Rien ne prouve qu’un homme est spirituel comme la correction qu’il fait du péché d’autrui en cherchant plutôt à l’en délivrer qu’à l’humilier, à lui venir en aide qu’à le confondre, et en le faisant autant qu’il le peut. Aussi l’Apôtre dit-il : « Mes frères, si un homme est surpris dans quelque faute, vous qui êtes spirituels, relevez-le. » Mais on ne doit pas s’imaginer que le relever c’est le blâmer pour sa faute avec insolence et dérision, ni le repousser avec orgueil comme un incurable ; c’est pourquoi saint Paul ajoute : « En esprit de douceur et veillant sur toi-même, de peur que toi aussi tu ne sois tenté. » Rien effectivement ne dispose tant à la miséricorde que la pensée de ses propres dangers. Ainsi donc l’Apôtre veut et qu’on ne manque pas au devoir de la correction fraternelle, et qu’on évite les batailles. Combien veulent disputer sitôt qu’ils sont éveillés, et cherchent à se rendormir quand ils ne sauraient plus disputer ! L’idée du danger commun doit donc maintenir dans le cœur la paix et la charité ; quant à la manière de reprendre, soit plus vivement soit plus doucement, elle doit se régler sur ce que semble demander la guérison du malade qu’on a entrepris. Aussi bien est-il dit ailleurs : « Un serviteur de Dieu ne doit pas disputer, mais être doux envers tous, capable d’enseigner, patient. » Qu’on ne croie pas toutefois que la patience doive empêcher de reprendre le prochain lorsqu’il s’égare, car if est dit encore : « Et reprendre modestement ceux qui s’éloignent de la vérité[3]. » Comment allier ces deux mots : reprendre, modestement, sinon en gardant la douceur dans le cœur, tout en jetant sur la plaie quelque parole vive et pénétrante pour la guérir ? On ne doit pas, me semble-t-il, entendre différemment ce passage de la même Epître « Prêche la parole, insiste à temps, à contre-temps, reprends, exhorte, menace avec toute patience et doctrine[4]. » A temps est assurément le contraire de à contre-temps. Or aucun remède ne saurait guérir s’il n’est appliqué à temps. Cependant on pourrait unir les mots autrement et lire : « Insiste à temps, reprends à contre-temps ; » et continuer ensuite : « Exhorte, reprends avec toute patience et doctrine. » De cette manière on semblerait parler à temps ; lorsqu’on s’appliquerait à édifier, et on ne se soucierait pas, en réprimant les désordres, de paraître agir à contre-temps, quand on parle à propos pour les malades qu’on veut guérir. De cette manière encore on pourrait rapprocher de ces deux adverbes les deux verbes qui suivent, et dire : « Exhorte » en insistant à temps ; « menace » en reprenant à contretemps ; puis en intervertissant l’ordre, les deux substantifs qui viennent immédiatement après« Avec toute patience » pour souffrir l’indignation de ceux qu’on réprimande ; « et toute doctrine » pour relever les affections de ceux que l’on édifie. Toutefois, lors même qu’on lirait ces mots comme on les lit le plus ordinairement et comme si l’Apôtre avait écrit : « Insiste à temps » et si tu ne gagnes rien, « à contre temps ; » jamais

  1. Gal. 5, 26
  2. Id. 6, 1
  3. 2 Tim. 2, 24, 26
  4. Ib. 4, 2