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COMMENTAIRE DE L’ÉPÎTRE AUX GALATES.

Œuvres Complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Tome Ve, Commentaires sur l’Écriture, Bar-Le-Duc, L. Guérins & Cie éditeurs, 1867. p. 394-427

AVANT-PROPOS.

1. But de l’Epître. — Le motif qui porte l’Apôtre à écrire aux Galates, est de leur faire comprendre que la grâce de Dieu demande d’eux qu’ils ne soient plus assujettis à la Loi. Quand en effet la grâce de l’Évangile leur eut été annoncée, ils eurent affaire à des hommes, issus de la circoncision, qui portaient le nom de chrétiens, mais qui ne s’attachant pas encore au bienfait même de la grâce voulaient rester courbés sous ces fardeaux de la Loi. Or, Dieu leur Maître en avait chargé, non pas des serviteurs de la justice mais des esclaves du péché, lorsqu’à ces hommes d’iniquité il avait donné une Loi juste, non pour les purifier de leurs crimes, mais pour les leur faire connaître ; car il n’y a pour effacer le péché que la grâce de la foi qui agit par amour. Et quoique les Galates fussent déjà établis sous l’empire de cette grâce, ces faux docteurs voulaient les ramener sous le joug de la Loi, ils leur assuraient même qu’ils ne pouvaient profiter de l’Évangile s’ils n’adoptaient la circoncision et les autres observances charnelles de la religion judaïque. Aussi s’étaient-ils mis à suspecter l’Apôtre saint Paul, qui leur avait prêché l’Évangile, et à l’accuser de ne suivre pas la même règle que les autres Apôtres, puisque ceux-ci forçaient les Gentils à pratiquer le Judaïsme. L’Apôtre Pierre en effet avait cédé devant les clameurs de cette espèce de chrétiens ; il avait été amené à user de dissimulation et à laisser croire que selon lui l’Évangile ne serait salutaire aux Gentils que s’ils portaient les fardeaux de la Loi : c’est de cette dissimulation que le fit revenir l’Apôtre saint Paul, comme lui-même nous l’apprend dans cette Épître[1]. Une question semblable est traitée dans l’Épître aux Romains. Il semble pourtant y avoir une différence. Dans l’Épître aux Romains l’Apôtre met fin aux contestations ardentes qui s’étaient élevées entre les chrétiens sortis du Judaïsme et les chrétiens issus de la Gentilité, les premiers prétendant que l’Évangile leur avait été donné comme une récompense due aux bonnes œuvres qu’ils avaient accomplies sous la loi et que les incirconcis ne l’ayant pas mérité, on ne devait pas les y admettre : tandis que ces derniers cherchaient à se préférer aux Juifs, meurtriers du Sauveur. Mais dans l’Épître aux Galates il s’adresse à des hommes déjà ébranlés par l’autorité des judaïsants qui les poussaient à la pratique des observances légales, et commençant déjà a croire sur leur parole que l’Apôtre saint Paul ne leur avait pas enseigné la vérité en les empêchant de se faire circoncire. Voilà pourquoi il débute de cette manière : « Je m’étonne que vous quittiez si vite celui qui vous a appelés à la gloire du Christ pour passer à un autre Évangile » Cette espèce d’exorde indique en peu de mots de quoi il est question. Déjà dans la salutation il a dit, ce qu’il n’a fait dans aucune Épître, qu’il est « Apôtre, non de la part des hommes ni par l’intermédiaire d’aucun homme[2] » ce qui était indiquer suffisamment que les faux docteurs des Galates venaient, eux, non de la part de Dieu, mais de la part des hommes, est qu’on ne devait pas regarder comme inférieure à celle des autres Apôtres l’autorité du témoignage qu’il rendait à l’Évangile ; puisqu’il savait bien que son apostolat n’avait rien d’humain, mais qu’il venait immédiatement de Jésus-Christ et de Dieu son Père. Tel est le sens dans lequel nous avons entrepris, avec la permission et la grâce du Seigneur, d’étudier et d’expliquer en détail cette Épître, à partir des premiers mots.

2. Autorité apostolique de saint Paul. — Paul, « Apôtre, non de la part des hommes ni par l’intermédiaire d’aucun homme, mais par Jésus-Christ et par Dieu son Père, qui l’a ressuscité d’entre les morts ; et tous les frères qui sont avec moi, aux Églises de Galatie[3]. » Être envoyé de la part des hommes, c’est être menteur ; l’être par l’intermédiaire d’un homme, c’est pouvoir enseigner la vérité, attendu que Dieu, vérité même, peut donner mission par l’intermédiaire

  1. Gal. 2, 14
  2. Gal. 1, 6, 1
  3. Id. 1, 2