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d’avoir marché et d’être arrivé, si on n’ouvre pas. Voilà pourquoi le Seigneur dit : « Frappez[1]. »
73. Or celui dont les promesses ne mentent jamais, nous a donné et nous donne une grande espérance, car il dit : « Quiconque demande reçoit ; et qui cherche trouve ; et à qui frappe il sera ouvert. » Il faut donc de la persévérance pour obtenir ce que nous demandons, trouver ce que nous cherchons et nous raire ouvrir quand nous frappons. Comme le Seigneur a cité l’exemple des oiseaux du ciel et du lis des champs, pour nous donner espoir que la nourriture et le vêtement ne nous manqueraient pas, élevant ainsi notre pensée du petit au grand ; de même agit-il ici : « Quel est, dit-il, l’homme d’entre vous, qui, si son fils lui demande du pain, lui présentera une pierre ? Ou si c’est un poisson qu’il lui demande, lui présentera-t-il un serpent ? Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants : combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ? » Comment les méchants donnent-ils de bonnes choses ? Mais le Seigneur appelle ici méchants les amateurs de ce monde et les pécheurs. Quant aux bonnes choses qu’ils donnent, elles ne sont bonnes qu’à leur sens, parce qu’ils les estiment telles. Du reste elles sont bonnes aussi de leur nature, mais passagères et relatives à cette misérable vie ; et tout méchant qui les donne, ne les donne pas de son fond, car la terre et tout ce qu’elle renferme appartient au Seigneur[2], qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent[3]. Combien donc nous devons espérer que Dieu nous accordera les biens que nous lui demandons et ne nous trompera pas, en nous donnant une chose pour une autre, puisque nous, qui sommes mauvais, nous savons donner ce qu’on nous demande ; car nous ne trompons pas nos enfants, et toutes les bonnes choses que nous leurs donnons, ne viennent pas de nous, mais de Dieu.

CHAPITRE XXII. FAIRE A AUTRUI CE QU’ON DÉSIRE POUR SOI.


74. Or la fermeté et la force nécessaire pour marcher dans la voie de la sagesse se trouve dans les bonnes mœurs : et celles-ci vont jusqu’à la pureté et à la simplicité dont le Seigneur a si longtemps parlé ; après quoi il tire cette conclusion : « Ainsi tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent de bien, faites-le-leur aussi : car c’est la loi et les prophètes. » On lit dans les exemplaires grecs : « Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur aussi » Je pense que les latins ont ajouté de bien » pour mieux expliquer la pensée. En effet, le cas peut se présenter que quelqu’un, s’autorisant de ce texte, demande qu’on fasse pour lui une chose criminelle, comme par exemple de le provoquer à boire outre mesure et à se plonger dans l’ivresse, et qu’il fasse le premier ce qu’il désire d’un autre ; il serait ridicule alors de s’imaginer qu’il a rempli ce précepte. C’est, je pense, pour éviter cette fausse interprétation, et pour mieux préciser le sens, qu’après ces mots : « Ainsi tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent » on a ajouté « de bien. » Si ce mot manque dans les exemplaires grecs, il faut les corriger : mais qui l’oserait ? Il faut donc admettre que la pensée est complète même sans cette addition. Car c’est dans le sens propre, et non d’après la signification ordinaire qu’il faut entendre ces expressions : « tout ce que vous voulez. » En effet il n’y a proprement de volonté que pour le bien ; car pour les actions mauvaises et criminelles, c’est de la passion et non de la volonté. Non que les Écritures emploient toujours le mot dans son sens propre ; mais, quand il faut, elles y tiennent tellement qu’il n’est pas possible d’en donner un autre.
75. Or ce commandement paraît se rattacher à l’amour du prochain, mais non également à l’amour de Dieu : le Seigneur nous disant ailleurs qu’il y a deux commandements auxquels se rattachent toute la loi et les prophètes. » En effet si l’on eût dit : tout ce que vous voulez qu’on vous fasse, faites-le vous-mêmes, les deux commandements se fussent trouvés renfermés en une seule formule, puisqu’on se serait empressé de dire que chacun désirant être aimé de Dieu et des hommes, et l’ordre étant donné de faire ce qu’on désire se voir fait à soi-même, on est obligé d’aimer Dieu et le prochain. Mais comme le Seigneur dit expressément : « Ainsi tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur aussi » il semble que cela signifie simplement : « Vous aimerez votre prochain comme vous-même. » Toutefois il faut bien remarquer ce que le Christ

  1. Rét. 1, ch. 19, n. 9
  2. Ps. 23, 1
  3. Ib. 145, 6