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saint Marc, comme saint Jean, rapporte que le Seigneur se montra d’abord à Marie-Magdeleine, mais il ne décrit pas cette apparition que nous ne trouvons détaillée que dans saint Jean. Non-seulement saint Luc ne nous dit pas que Jésus se montra aux saintes femmes, mais en nous rapportant la conversation qu’eurent avec Jésus les deux disciples d’Emmaüs, dont l’un s’appelait Cléophas, il laisse supposer que les femmes n’avaient vu que les anges. « Ce jour-là même, dit-il, deux d’entre eux s’en allaient à un bourg, nommé Emmaüs, éloigné de soixante stades de Jérusalem. Et ils parlaient ensemble de tout ce qui s’était passé. Or il arriva que pendant leur entretien, Jésus lui-même les joignit et se mit à marcher avec eux, mais leurs yeux étaient retenus, en sorte qu’ils ne pouvaient le reconnaître. Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous ainsi, en marchant, et d’où vient que vous êtes tristes ? L’un deux nommé Cléophas, lui répondit : Êtes-vous seul si étranger dans Jérusalem, que vous ne sachiez pas ce qui s’y est passé ces jours-ci ? Quoi donc ? leur dit-il. Ils répondirent : Relativement à Jésus de Nazareth, qui a été un prophète puissant en œuvres et en paroles, devant Dieu et devant tout le peuple, et de quelle manière les princes des prêtres et les anciens l’ont livré, pour être condamné à mort, et l’ont crucifié. Cependant nous espérions que ce serait lui qui rachèterait Israël ; et après tout cela néanmoins, voici le troisième jour que ces choses se sont passées. Il est vrai que quelques femmes de celles qui étaient avec nous, nous ont effrayés ; car étant allées dès le grand matin à son sépulcre et n’y ayant point trouvé son corps, elles sont venues dire qu’elles avaient vu même des anges qui disaient qu’il est vivant. Et quelques-uns des nôtres, étant aussi allés au sépulcre, ont trouvé toutes ces choses comme les femmes les avaient rapportées, mais pour lui ils ne l’ont point vu. » Voilà, selon saint Luc, comment ils racontent les événements, c’est-à-dire selon que leur mémoire a pu leur rappeler ce qu’avaient rapporté les femmes ou les disciples qui avaient couru au sépulcre en apprenant que le corps de Jésus avait disparu. Saint Luc ne cite même que saint Pierre qui ait couru au tombeau : il nous le représente se courbant à l’entrée du sépulcre, n’y voyant plus que les linceuls, et s’en retournant tout préoccupé de ce qui s’était passé. Saint Luc nous raconte ce fait de saint Pierre, avant de parler de l’apparition aux disciples d’Emmaüs, et après avoir rapporté l’histoire des saintes femmes, qui avaient vu les anges et qui en avaient appris que Jésus était ressuscité ; mais il ne faut voir ici qu’une sorte de récapitulation de la part de saint Luc, au sujet de saint Pierre. En effet, Pierre courut au tombeau avec saint Jean, aussitôt qu’ils apprirent des saintes femmes, et surtout de Marie-Magdeleine, que le corps avait été enlevé ; or elle vint le leur annoncer aussitôt qu’elle eut aperçu que la pierre ne fermait plus le tombeau ; ce n’est qu’après cela qu’eut lieu la vision des anges et la double apparition du Sauveur aux femmes, la première quand elles étaient auprès du tombeau et la seconde au moment où elles retournaient à Jérusalem. Tout cela se passa avant l’événement des disciples d’Emmaüs, dont l’un était Cléophas. En effet Cléophas, s’adressant à Jésus, qu’il ne reconnaissait point, ne dit pas que Pierre alla au sépulcre, mais : « Quelques-uns des nôtres se sont rendus au tombeau et ont reconnu la vérité de ce que les femmes avaient dit. » Ce n’est donc que par forme de récapitulation qu’il rapporte ce que les femmes avaient annoncé à Pierre et à Jean sur l’enlèvement du corps de Jésus. Ainsi donc saint Luc nous dit d’abord que saint Pierre courut au sépulcre, puis il fait dire à Cléophas que quelques-uns d’entre eux étaient allés au tombeau, évidemment c’est de saint Jean qu’il est ici question ; saint Pierre avait été nommé seul la première fois, uniquement parce que c’était d’abord à lui que Magdeleine avait annoncé ce qu’elle avait vu. D’un autre côté saint Luc ne dit pas que Pierre soit entré dans le tombeau ; il se contente de dire qu’il s’inclina, aperçut les linceuls et s’en retourna, en proie à un grand étonnement. Saint Jean, au contraire, dit du disciple bien-aimé ou de lui-même, qu’il n’entra pas d’abord ; mais qu’il se courba et vit les linceuls pliés ; pendant ce temps, Pierre arrivait, regardait, entrait ensuite et était suivi du disciple bien-aimé. Ainsi nous devons conclure que Pierre, à son arrivée, regarda d’abord, comme l’affirme saint Luc, saint Jean n’en disant rien, ensuite il entra, mais il entra avant saint Jean ; de cette manière tout se concilie parfaitement.

71. En admettant que les femmes eurent les premières l’honneur de voir et d’entendre Jésus, on peut ainsi, d’après les évangélistes et d’après