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darde pleinement ses rayons sur la terre ; nous ajoutons de grand matin, quand nous désignons le moment où le ciel commence seulement à blanchir. De même après que le coq a fait entendre tous ses chants du matin, nous disons ; il est matin ; mais quand le soleil ne fait encore que rougir ou blanchir, nous disons, de grand matin. Il importe donc peu que saint Marc ait dit : « le matin : » Saint Luc : « au premier rayon du jour », ou qu’ils aient ajouté de grand matin, quand le jour commençait seulement à poindre. Saint Jean a parfaitement exprimé cette pensée en disant : « Le matin, quand les ténèbres n’avalent pas encore disparu, au lever du soleil », c’est-à-dire quand, à son lever, le ciel commence à s’éclairer. Mais comment concilier avec ces passages, celui de saint Matthieu qui sans parler du matin se contente de dire : « Le soir du sabbat, quand le premier jour de la semaine suivante commençait à luire ? » Si saint Matthieu mentionne la première partie de la nuit, c’est pour signifier la nuit même à la fin de laquelle les femmes vinrent au tombeau. Et s’il donne ce nom à la nuit tout entière, c’est que dès le soir il était permis d’apporter des aromates, puisque le sabbat était passé. Comme elles ne pouvaient en apporter durant le sabbat, n’était-il pas naturel de faire commencer la nuit au moment où elles reprenaient le droit de faire ce qu’elles voulaient que fût d’ailleurs l’instant précis où elles le feraient ? Ces mots : « Le soir du sabbat », signifient donc la nuit du sabbat ou la nuit qui suivit le jour du sabbat. C’est ce qu’exprime parfaitement le texte : « Le soir du sabbat, quand le premier jour de la semaine suivante commençait à luire. » Ce texte n’a de sens qu’autant qu’il désigne la nuit tout entière et pas seulement le commencement de la nuit ; car ce n’est pas au commencement de la nuit mais à la fin que commence à luire le premier jour de la semaine. D’ailleurs, comme le commencement de la seconde moitié de la nuit est la fin de la première moitié, ainsi le jour termine la nuit entière. Il en résulte donc encore qu’à moins d’entendre par soir la nuit qui finit avec le jour, on ne peut dire que le soir finit quand le jour commence à luire. » De plus il est assez ordinaire, dans le langage de la Sainte Écriture, de prendre la partie pour le tout ; de prendre le soir du jour précédent pour la nuit tout entière qui se termine par le point du jour. Or, c’est au premier point du jour que les femmes vinrent au tombeau, et par là même durant la nuit désignée par le soir. Ce mot, nous l’avons dit, désigne la nuit tout entière ; c’était donc venir pendant cette nuit que de venir à quelque moment que ce fût de la nuit. Elles vinrent dans la seconde partie. Or le soir qui finit à l’aube du premier jour de la semaine désignant la nuit tout entière, en venant durant cette nuit, elles vinrent le soir ; et elles vinrent cette nuit, puisqu’elles vinrent durant la dernière partie de cette nuit même.

66. N’en est-il pas ainsi des trois jours qui s’écoulèrent depuis la mort jusqu’à la résurrection du Sauveur ? Pour que l’on puisse les compter ; il faut, suivant l’usage assez ordinaire, prendre la partie pour le tout. Jésus-Christ avait dit en personne : « Comme Jonas a été trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre[1]. » Que l’on compte depuis le moment de sa mort ou de sa sépulture, on n’arrive pas à trouver les trois jours entiers. Mais il en est autrement si on suit la règle déjà si souvent exposée : le jour intermédiaire ou le sabbat forme un jour tout entier, la veille du sabbat ou préparation et le premier jour de la semaine ou le dimanche sont également comptés comme deux jours, parce qu’on prend la partie pour le tout. Ce principe résout sur le champ les difficultés inextricables que rencontrent tous ceux qui veulent s’en tenir à la rigueur de la lettre et qui ignorent combien de difficultés fait disparaître dans l’Écriture-la locution qui prend la partie pour le tout. Ainsi, d’après. eux, la première nuit comprendrait les trois heures, depuis la sixième jusqu’à la neuvième, pendant lesquelles le soleil s’est obscurci ; les trois autres heures, depuis la neuvième jusqu’au coucher du soleil, et durant lesquelles cet astre se montra de nouveau à la terre constitueraient le premier jour. Vient ensuite la nuit qui précède le sabbat, puis le sabbat tout entier, ce qui constitue déjà deux nuits et deux jours. Après le sabbat vient la nuit du premier jour de la semaine ou du dimanche, le jour même où le Sauveur est ressuscité ; cela fait seulement deux nuits, deux jours et une nuit, quand même on prendrait cette nuit dans toute son intégrité et quand nous n’aurions pas démontré que le point du jour de la résurrection en est la dernière partie. Ainsi donc, sans tenir compte des six heures de la passion, pendant

  1. Mat. 12, 40