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Jean pour être baptisé par lui. Mais Jean s’en défendait en disant : C’est moi qui dois être baptisé par vous, et vous venez à moi ? Jésus lui répondit : Laisse-moi faire maintenant, car c’est ainsi que nous devons accomplir toute justice. Alors Jean cessa de lui résister. » Les trois autres évangélistes disent pareillement que Jésus vint trouver Jean, et tous trois rapportent qu’il fut baptisé par lui ; mais ils gardent le silence sur ce que nous voyons dans le récit de saint Matthieu, savoir les paroles de Jean au Seigneur et les réponses du Seigneur à Jean[1].

CHAPITRE XIV. VOIX DU CIEL APRÈS LE BAPTÊME DE JÉSUS.

31. Saint Matthieu dit ensuite : « Jésus ayant été baptisé sortit aussitôt de l’eau ; et en même temps les cieux lui furent ouverts, et il vit l’Esprit de Dieu descendre en forme de colombe et se reposer sur lui. Et au même instant on entendit une voix du ciel qui dit Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui je me complais. » C’est ce que racontent pareillement deux autres évangélistes, saint Marc et saint Luc. Ils exposent cependant d’une manière différente les paroles de la voix qui se fit entendre du ciel : mais c’est toujours la même pensée. Car, d’après ce que nous avons dit précédemment, on doit voir le même sens et l’expression de la même idée dans la leçon de saint Matthieu : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », et dans celle de saint Marc et de saint Luc : « Vous êtes mon Fils bien-aimé. » Sans doute il n’y eut, dans ce discours venu d’en haut, qu’une seule des deux locutions, mais saint Matthieu, en écrivant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », aura voulu marquer le but de la voix du ciel, qui était de faire connaître aux auditeurs la filiation divine de Jésus-Christ ; il a voulu montrer que les paroles : « Vous êtes mon Fils », furent prononcées de la même manière que si la voix eût dit à la foule : « Celui-ci est mon Fils. » Car elle n’apprenait pas à Jésus-Christ ce qu’il savait bien ; mais elle l’apprenait à ceux qui étaient là et pour qui elle se faisait entendre. Maintenant la voix du ciel a-t-elle dit : « En qui je me complais, in quo mihi complacui », ou : « Je mets en vous ma complaisance, in te complacui », ou enfin : « Il me complaît en vous, in te complacuit mihi[2] ? « On est libre d’admettre l’une ou l’autre de ce Trois leçons, pourvu que l’on comprenne qu’en rapportant différemment les paroles, les Évangélistes ont rendu la même pensée. La différence des ex pressions a même l’avantage de nous faire mieux saisir l’idée, que si tous l’avaient rap portée dans les mêmes termes, et d’écarter le danger d’une fausse interprétation. Car celui qui voudrait, sous les mots : « En qui je me complais, in quo mihi complacui », voir le Père se plaisant à lui-même dans le Fils, est averti de son erreur par le texte de saint Marc : « En vous je complais, in te complacui. » De même, voulons-nous par cette seule leçon : « in te complacui », entendre que, dans le Fils le Père plaît aux hommes ? nous sommes détrompés par le texte de saint Luc: in te complacuit mihi. Donc, quel que soit l’Évangéliste dont le récit nous présente le texte exact des paroles de la voix céleste, on voit clairement que les autres n’ont varié les termes que pour rendre le même sens plus saisissable. Ainsi, d’après les trois réunis, la voix du ciel a voulu dire : Je mets en vous mon bon plaisir ; et cela signifie J’ai résolu de faire par vous ce qui me plaît. Dans certaines copies de l’Évangile selon saint Luc, au lieu de la leçon que nous venons de mettre sous les yeux, on lit cet oracle du Psalmiste : « Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd’hui[3]. » Il est vrai qu’on ne montre ces mots dans aucune des copies grecques les plus anciennes. Mais si quelques exemplaires dignes de foi peuvent confirmer cette variante, que faut-il conclure, sinon que la voix céleste, dans un ordre quelconque, a dit l’une et l’autre chose ?

CHAPITRE XV. JÉSUS-CHRIST CONNU OU INCONNU DE JEAN-BAPTISTE.

32. Ce que nous lisons dans l’Évangile selon saint Jean, du Saint-Esprit descendu en forme de colombe, n’est pas un discours placé au temps où le fait s’est accompli ; c’est une citation des paroles du précurseur rappelant lui-même ce qu’il a vu. Or, ce passage fait naître la question suivante : Comment Jean-Baptiste

  1. Mat. 3, 13-15 ; Marc, 1, 9 ; Luc. 3, 21 ; Jn. 1, 32-34
  2. Mat. 3, 16-17 ; Mrc. 1, 10-11 ; Luc. 3, 29
  3. Psa. 2, 7