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de ses prophètes montrent clairement la prescription faite au peuple d’Israël d’adorer le Dieu qui a créé le ciel et la terre et de qui vient toute vraie sagesse. Mais qu’est-il besoin de disputer ici plus longtemps, quand je puis arriver à mon but, en m’appuyant sur l’opinion bien ou mal fondée que ces hommes professent au sujet du Dieu d’Israël, dont ils ne peuvent nier la divinité ? Car s’il est préposé aux éléments dont la réunion forme ce monde, pourquoi ne pas l’adorer plutôt que Neptune, qui est seulement préposé à la mer, plutôt que Sylvain, qui a seulement puissance sur les champs et les forêts ? Pourquoi ne pas l’adorer de préférence au soleil, de qui relève seulement le jour, ou, si l’on veut encore, toute la chaleur céleste ? Pourquoi ne pas l’adorer de préférence à la lune, qui ne règne que sur la nuit, ou, tout au plus encore, sur les vapeurs dégagées par la terre et les eaux ? Pourquoi ne pas le préférer à Junon, que l’on dit tenir seulement l’empire de l’air ? Assurément, ces dieux, dont chacun n’a d’autorité que sur une partie du monde, doivent être inférieurs, quels qu’ils soient, au Dieu qui régit tous les éléments et toute la machine de l’univers. Mais le Dieu d’Israël défend d’adorer aucun de ces dieux. Pourquoi donc les païens, malgré le précepte d’un Dieu supérieur aux autres, veulent-ils non-seulement adorer ceux-ci, mais, à cause d’eux, ne pas l’adorer lui-même ? Jusqu’alors ils ne voient rien qu’ils puissent affirmer nettement et résolument à son sujet, et ils resteront toujours dans leurs ténèbres, tant qu’ils ne le reconnaîtront pas comme le seul vrai Dieu dont la puissance a créé toutes choses.

CHAPITRE XXX. AVEC L’ACCOMPLISSEMENT DES PROPHÉTIES LE DIEU D’ISRAËL EST MAINTENANT CONNU PARTOUT.

46. Leur grand déclamateur en poésie, Lucain, après avoir lui-même, je le crois, cherché longtemps dans ses propres réflexions et dans la lecture des auteurs profanes, quel était le Dieu d’Israël, sans arriver à le connaître, parce que la piété demeurait étrangère à ses recherches, a mieux aimé cependant appeler un Dieu incertain celui qu’il ne trouvait pas, que de nier sa divinité dont il avait des preuves si sensibles. Parlant de la Judée il a dit, en effet, qu’elle adore un Dieu incertain : Et dedita sacris incerti Judaea Dei[1]. Or, le Dieu d’Israël, ce Dieu saint et véritable, n’avait pas encore, par le nom de Jésus-Christ, opéré dans toutes les nations, de merveilles semblables à celles que le inonde a vues depuis les temps de Lucain jusqu’à ce jour. Maintenant, qui peut être assez dur pour ne point se rendre, assez froid pour ne point sentir son âme embrasée, après l’accomplissement de cet oracle du roi-prophète. Il n’est personne qui se dérobe à sa chaleur ; quand se trouvent réalisées avec tant d’éclat les choses prédites si longtemps d’avance dans le même Psaume d’où je tire le verset que je viens de rappeler ? Car dans ce Psaume, le nom des cieux où règne l’Éternel désigne les Apôtres de Jésus-Christ qui devaient annoncer l’Évangile sous l’empire et la conduite de Dieu. Maintenant donc les cieux ont raconté la gloire du Très-Haut et le firmament a publié les œuvres de ses mains. Le jour a parlé au jour et la nuit a transmis la science à la nuit. Maintenant est accompli l’oracle qu’il n’y a point de langue point d’idiome dans lequel les voix des cieux ne soient entendues. Elles out éclaté dans toute la terre, et les paroles qu’elles ont portées ont retenti jusqu’aux extrémités du monde. Maintenant Dieu a établi dans le soleil, c’est-à-dire, a manifesté à tous les regards, son pavillon qui est son Église elle-même. Dans cette fin, selon la suite du même Psaume, il est sorti de sa couche nuptiale, c’est-à-dire, que le Verbe de Dieu est sorti du sein de la Vierge Marie, où il a uni en sa personne la nature divine à. la nature humaine. Maintenant il s’est élancé comme un géant et a parcouru sa carrière. Maintenant il a accompli son départ du point le plus élevé du ciel et son retour au plus haut du ciel. Aussi est-ce à bon droit que le verset rappelé un peu plus haut conclut par ces paroles : « Il n’est personne qui se dérobe à sa chaleur[2]. » Et maintenant encore, ces misérables qui nous opposent avec un tel babil quelques faibles apparences de contradictions, aiment mieux être comme die l’étoupe, réduits en cendres par ce feu, que purifiés de leurs souillures comme l’or ; maintenant que l’imposture des faux dieux se trouve confondue par les événements, et que les promesses véridiques du Dieu d’Israël, de ce Dieu incertain, ont acquis aux yeux de tous, en se réalisant, une éclatante certitude.

  1. Lucain, l. 2, vers la fin.
  2. Psa. 18, 1-7