Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/137

Cette page n’a pas encore été corrigée

des chrétiens, les livres de nos prophètes, qu’elle porte avec elle chez tous les peuples. Comment donc, suivant les discours frivoles de quelques insensés, les disciples de Jésus-Christ, en prêchant la destruction des idoles, l’abolition du culte des divinités païennes, ont-ils enseigné ce qu’ils n’avaient pas appris de leur Maître ? Peut-on dire qu’ils ont imaginé des prophéties dont on trouve le texte dans les livres vénérés par les ennemis mêmes de Jésus-Christ. ?

41. Et qui donc a ruiné l’idolâtrie, sinon le Dieu d’Israël ? Car c’est au peuple d’Israël que furent adressées en la personne de Moïse ces paroles divines : « Écoute Israël ; il n’est d’autre Dieu que le Seigneur ton Dieu[1] : tu ne te feras point d’idole ; ni aucune ressemblance de ce qui est en haut dans le ciel ou en bas sur la terre[2]. » De plus, voici l’ordre qui lui fut donné de renverser même les objets du culte idolâtrique dès qu’il en aurait le pouvoir : « Tu n’adoreras point leurs dieux et tu ne les serviras pas ; tu ne feras pas selon leurs œuvres, mais tu abattras et tu briseras leurs idoles[3]. » Et qui osera dire que le Christ et les chrétiens sont étrangers à Israël, quand Israël est le petit-fils. d’Abraham à qui d’abord fut faite la promesse dont j’ai rappelé les termes : « Dans celui qui sortira de toi seront bénies toutes les nations », promesse renouvelée à Isaac, fils d’Abraham, et enfin à Israël lui-même, fils d’Isaac ? C’est cette promesse que nous voyons maintenant accomplie en, la personne de Jésus-Christ, puisque du sang de ces patriarches est venue la Vierge que le prophète du peuple d’Israël et du Dieu d’Israël a célébrée en disant : « Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils dont le nom sera Emmanuel[4]. » Or Emmanuel signifie « Dieu avec nous[5]. » Le Dieu d’Israël qui a prescrit de l’adorer lui seul, qui a défendu de faire des idoles, qui a ordonné de les renverser, et qui, par son prophète, a montré dans l’avenir toutes les nations de la terre venant à lui et s’écriant : « Vraiment nos pères ont adoré de vaines idoles et n’ont pu en tirer aucun avantage ; » le Dieu d’Israël a donc commandé, promis et consommé la ruine de toutes les superstitions païennes par le nom de Jésus-Christ et la foi des chrétiens. Vainement donc, parce que leurs dieux eux-mêmes, c’est-à-dire, les démons qui tremblent au nom de Jésus-Christ, leur ont défendu de le blasphémer, nos misérables adversaires voudraient mettre en opposition avec la doctrine du Christ celle donc les chrétiens se prévalent pour attaquer les idoles et faire disparaître complètement, par toutes les voies possibles, tant de fausses observances.

CHAPITRE XXVII. LA PUISSANCE DU VRAI DIEU RENVERSANT PARTOUT LES IDOLES, MOTIF D’ABANDONNER L’IDOLÂTRIE.

42. Qu’ils nous répondent au sujet du Dieu d’Israël. Les livres non-seulement des chrétiens mais aussi des Juifs témoignent que ses dogmes et ses ordres sont contraires à l’idolâtrie. Qu’ils consultent leurs dieux, et que les divinités païennes, après avoir défendu de blasphémer Jésus-Christ, rendent, si elles en ont l’audace, quelques réponses injurieuses contre le Dieu d’Israël. Mais quels dieux consulteraient-ils, et en quels lieux iraient-ils maintenant les consulter ? Eh bien ! qu’ils lisent les ouvrages de leurs écrivains. Si le Dieu d’Israël n’est autre que Jupiter, comme l’a écrit le docte Varron, et je veu4 bien parler un moment d’après leur système, pourquoi ne pas se faire un devoir d’abattre les idoles en faveur de Jupiter ? Si l’on croit qu’il est Saturne, pourquoi ne pas l’adorer ? ou du moins pourquoi ne pas l’adorer, de la manière qu’il a prescrite par l’organe de prophètes dont il a su accomplir les prédictions comme il les avait inspirées ? Pourquoi ne pas croire qu’il faut renverser les idoles en son honneur et mépriser les autres dieux ? S’il n’est ni1upiter ni Saturne, car s’il était l’un ou l’autre, il ne serait pas si opposé à leur culte, qui est-il donc, lui qu’on refuse seul d’adorer à cause des autres dieux, et qui sur les ruines des idoles renversées en vient à se faire adorer seul, après avoir abaissé toute hauteur qui s’élevait contre le Christ, et abattu les orgueilleux sectateurs des faux dieux qui persécutaient et mettaient à mort les chrétiens ? Certainement aujourd’hui les païens cherchent où se cacher quand ils veulent offrir un sacrifice ; du moins avisent-ils à bien cacher leurs dieux eux-mêmes pour empêcher les chrétiens de les découvrir et de les mettre en pièces. D’où vient cela, sinon de la crainte des lois et des empereurs, par qui le Dieu d’Israël fait paraître maintenant sa puissance, après les avoir soumis au nom de Jésus-Christ ? C’est ce qu’il avait promis si longtemps d’avance

  1. Deu. 6, 4
  2. Exo. 20, 4
  3. Id. 23, 24
  4. Isa. 7, 14
  5. Mat. 1, 23