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qu’ils voudront ; que Priape soit pour eux le dieu de la fécondité, du moins Junon, en présidant aux mariages et aux accouchements, devrait rougir d’avoir un tel aide. Qu’ils disent ce qui leur plaît, qu’ils interprètent les choses comme bon leur semble : le Dieu d’Israël ne laisse pas de confondre toutes leurs raisons. Quand il a défendu d’adorer les dieux du paganisme sans que nul d’entre eux ait jamais défendu de l’adorer lui-même, quand il a prescrit, annoncé, exécuté la destruction de leurs idoles et de leur culte, il a montré suffisamment qu’ils sont des dieux imaginaires et trompeurs, et lui un Dieu véritable et véridique.

39. Mais ces adorateurs d’une multitude de faux dieux, ces païens aujourd’hui en si petit nombre, qui ne s’étonnera de les voir refuser obéissance et adoration à ce Dieu dont ils peuvent se faire une idée fausse et la manifester, quand on leur demande qui il est ; mais dont ils ne peuvent nier la divinité, parce que leur négation tomberait d’elle-même devant l’examen des œuvres qu’il a prédites et accomplies ? Car je ne parle pas des choses que ces hommes ne se croient nullement obligés d’admettre. Je ne veux pas ici rappeler que lui-même le Dieu d’Israël a créé, dans le principe, le ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment[1]. Je, passe également sur les faits les plus anciens, qui ont signalé sa grandeur et sa puissance divine, sur l’enlèvement d’Hénoch[2], l’extermination des impies par le déluge, la délivrance de Noë le, juste et de sa famille parle moyen d’une arche[3]. C’est à partir d’Abraham que je prends l’histoire de ses rapports avec le monde. Abraham, en effet, fut l’homme à qui l’oracle d’un ange révéla de sa part et en termes si formels, cette grande promesse que nous voyons maintenant accomplie : « Dans celui qui sortira de toi seront bénies toutes les nations[4]. » D’Abraham est issu le peuple d’Israël, d’où nous voyons sortir la vierge Marie qui a mis au monde le Christ en qui l’audace la plus téméraire ne peut maintenant nier que toutes les nations soient bénies. La même promesse fut faite à Isaac fils d’Abraham[5]; elle fut encore renouvelée au petit-fils du patriarche, à Jacob, qui dans la suite fut appelé Israël[6]. Et c’est de lui que tout le peuple a pris son développement et qu’il attire son nom. Voilà pourquoi le Dieu de ce peuple est connu sous le nom de Dieu d’Israël ; non pas qu’il ne soit en même temps le Dieu de toutes les nations, et de celles qui l’ignorent et de celles qui croient en lui ; mais parce qu’il a voulu faire paraître d’une manière plus éclatante, dans ce peuple, la vertu de ses promesses. Ce peuple, en effet, qui commença durant la servitude d’Égypte, à se multiplier, et que Moïse délivra par de nombreuses et grandes merveilles, se mit, après avoir triomphé de plusieurs peuples, en possession d’une terre promise, elle aussi, et y régna par ses princes issus de la tribu de Juda. Juda était l’un des douze fils d’Israël petit-fils d’Abraham : il donna son nom aux Juifs qui firent beaucoup de grandes choses avec l’aide à leur Dieu ; souvent aussi ce même Dieu les châtia à cause de leurs péchés, jusqu’à ce que parut dans le monde, comme il avait été promis, ce fils d’Abraham, ce descendant d’Israël, en qui devaient être bénies toutes les nations, et au nom de qui les nations devaient, de leur propre mouvement, briser les idoles de leurs pères.

CHAPITRE XXVI. RUINE DE L’IDOLÂTRIE CONFORME AUX ORACLES PROPHÉTIQUES.

40. Ce n’est pas aux premiers temps du Christianisme, mais à une époque fort antérieure, que remonte la prédiction des événements aujourd’hui accomplis par les chrétiens. Les Juifs qui sont demeurés ennemis du nom de Jésus-Christ, les Juifs eux-mêmes dont l’infidélité future n’a pas été oubliée dans les oracles prophétiques, tiennent le livre de Jérémie où ils lisent ces mots : « Seigneur, qui êtes mon Dieu et mon refuge dans te temps de l’affliction, les nations viendront à vous des extrémités de la terre et diront : Vraiment nos pères ont adoré de vaines idoles et n’ont pu en tirer aucun avantage[7]. » Nous voyons aujourd’hui l’accomplissement de cet oracle. Des extrémités de la terre les nations viennent à Jésus-Christ, redisant ces choses et brisant les idoles, Et c’est en effet une grande faveur accordée par Dieu à son Église répandue dans tout le monde, que les ennemis de notre foi en attestent la vérité, et que la nation juive, justement vaincue et dispersée dans l’univers entier, ne permette pas de regarder comme une œuvre frauduleuse

  1. Gen. 1
  2. Id. 5, 24
  3. Id. VII
  4. Id. 22, 18
  5. Id. 26, 4
  6. Id. 18, 14
  7. Jer. 16, 19