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du fait d’une autre âme qu’elle qu’elle soit.

36. Cependant, les Romains qui ont voué le Capitole non à Saturne mais à Jupiter, et les autres nations qui ont pensé qu’il fallait mettre Jupiter au-dessus de tous les dieux et lui adresser des hommages particuliers, n’ont pas été du même sentiment que les Platoniciens. Ceux-ci, d’après leur opinion toute nouvelle, devraient consacrer à Saturne la première forteresse de l’empire, s’ils avaient en cela quelque pouvoir, et faire disparaître impitoyablement les Astrologues et les tireurs d’horoscopes qui l’ont rangé comme un dieu malfaisant parmi les autres étoiles, quand eux-mêmes le regardent comme la source et l’auteur de toute sagesse. Du reste, cette opinion qui fait de Saturne un dieu malfaisant, a, malgré eux, prévalu dans les esprits, à ce point qu’on ne veut pas même le nommer : on l’appelle plutôt le vieillard que Saturne. Et telle est la crainte qu’il inspire, aujourd’hui les païens de Carthage ont presque changé le nom du bourg, qu’ils lui ont consacré et ils disent plus communément le bourg du vieillard que le bourg de Saturne.

CHAPITRE XXIV. EN REJETANT LE DIEU D’ISRAËL ON N’ADORE PLUS TOUS LES DIEUX ; EN ADORANT LES AUTRES ON N’ADORE PLUS LE DIEU D’ISRAËL.

37. Nous savons donc à quoi les adorateurs des idoles sont convaincus d’adresser leur culte, et ce qu’ils s’efforcent de déguiser sous de belles couleurs. Mais il faut encore demander à ces nouveaux interprètes du nom et des attributs de Saturne, ce qu’ils pensent du Dieu des Hébreux. Car ils ont trouvé bon, eux aussi, d’adorer avec les nations tous les dieux qu’elles reconnaissent, tout en refusant, dans leur orgueil, de s’humilier aux pieds de Jésus-Christ pour la rémission de leurs péchés. Que pensent-ils donc du Dieu d’Israël ? S’ils ne l’adorent pas, ils n’adorent pas tous les dieux ; s’ils l’adorent, ils ne l’adorent as comme lui-même veut être adoré, puisqu’ils adorent aussi les autres que ce Dieu défend d’adorer. Le Dieu d’Israël, en effet, a défendu le culte de toute autre divinité, par les prophètes auxquels il a fait prédire en même temps ce que les chrétiens font subir maintenant aux idoles. Soit, en effet, que des anges envoyés à ces prophètes leur aient montré en figure par des images sensibles convenablement ménagées, le seul vrai Dieu créateur et maître de toutes choses, et leur aient appris de quelle manière il voulait être adoré ; soit que le Saint-Esprit ait répandu dans les âmes de quelques-uns d’entre eux une si grande et si vive lumière, qu’ils fussent capables de voir par intuition, comme les anges eux-mêmes, des objets tout spirituels ; toujours est-il, qu’ils ont servi ce Dieu qui défend d’adorer les autres ; qu’ils l’ont servi par les sentiments d’une foi et d’une piété sincères, dans la royauté et le sacerdoce de leur nation et parla pratique d’un culte qui annonçait l’avènement futur du Christ comme vrai roi et comme vrai prêtre.

CHAPITRE XXV. LES PAÏENS DOIVENT ADORER LE DIEU D’ISRAËL ; LEURS DIEUX NE S’Y OPPOSENT PAS, SES ŒUVRES L’EXIGENT.

38. Mais nous prions les païens nos adversaires, qui en voulant adorer les dieux des nations refusent leurs hommages à celui qui ne peut être adoré avec eux, nous les prions de nous dire pourquoi l’on ne trouve aucun de ces dieux qui défende d’en adorer un autre, puisque eux-mêmes leur assignent différents offices, différentes fonctions et veulent que chacun préside à des choses qui le regardent spécialement. Si Jupiter n’empêche pas d’adorer Saturne, parce que Jupiter n’est point cet homme qui a détrôné son père, mais bien le corps du ciel, ou l’esprit qui remplit le ciel et la terre, et ne peut par conséquent empêcher le culte de l’intelligence suprême dont il est regardé comme l’émanation ; si, de même, Saturne autorise le culte de Jupiter, parce que différent de celui qui, vaincu par je ne sais quel Jupiter, se retira en Italie pour échapper aux armes du rebelle, il ne l’a jamais. vu lever l’étendard de la révolte et triompher de sa puissance, mais que, premier esprit, il se montre bienveillant envers une âme qu’il a engendrée : Vulcain devrait au moins s’opposer au culte de Mars qui a violé sa femme ; Hercule ne devrait pas souffrir celui de Junon qui l’a persécuté. Quel est donc entre les dieux cet accord tellement honteux que Diane la vierge chaste, permet d’adorer, je ne dirai pas Vénus, mais Priape ? Car si un homme veut être à la fois chasseur et laboureur, il les servira tous deux quoiqu’il ait honte de leur élever des temples voisins l’un de l’autre. Mais que nos philosophes païens entendent sous le nom de Diane la vertu