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d’avoir auparavant rejeté celui-là : qu’ils lisent donc de telles choses, s’ils le peuvent, dans quelques-uns des livres de leurs devins. Car, j’omets de dire que comme les démons étaient forcés de reconnaître Jésus-Christ même, durant les j ours de son apparition ici-bas dans la chair, les auteurs des livres dont il s’agit, rendent à notre foi, c’est-à-dire à la religion chrétienne, un témoignage qui paraît bien être celui des saints anges ou de nos prophètes eux-mêmes. J’omets cette remarque qu’ils veulent regarder comme une fiction des chrétiens quand nous la produisons. Mais eux-mêmes, eux-mêmes, qu’ils produisent comme extrait des oracles du paganisme quelque prédiction contraire au Dieu des Hébreux, quand de notre côté nous leur montrons avec les livres de nos prophètes tant de choses si importantes ordonnées, prédites et accomplies contre leurs dieux. Le peu de païens qui nous restent aiment mieux déplorer les événements accomplis, que de reconnaître le Dieu qui a pu les annoncer ; et cependant, selon eux, quand leurs faux dieux qui sont de vrais démons, ont une fois prouvé leur puissance en prédisant quelque événement futur, on doit ne rien demander de plus.

CHAPITRE XXI. POURQUOI LE DIEU DES HÉBREUX DOIT ÊTRE SEUL ADORÉ.

29. Pourquoi donc, alors, ces malheureux ne reconnaissent-ils pas le vrai Dieu dans ce Dieu tellement antipathique aux leurs, que tout en confessant sa Divinité ils se voient contraints de lui refuser leurs hommages, eux dont la maxime cependant est qu’on doit adorer tous les dieux ? Puisque tous ne peuvent être adorés, pourquoi donc ne pas choisir celui qui défend d’adorer les autres ? pourquoi ne pas abandonner ceux qui n’osent défendre de l’adorer lui-même ? Ou si les dieux du paganisme ont formulé cette défense, qu’on ne refuse pas de la lire. Est-il une chose qui ait dû frapper davantage les oreilles des peuples dans leurs temples, dans leurs temples où rien de pareil n’a cependant jamais retenti ? Et certes la défense d’un si grand nombre contre un seul devrait avoir plus de notoriété, plus de pouvoir que la défense d’un seul contre tant d’autres. Si le culte du Dieu d’Israël est impie, des dieux qui n’éloignent pas les hommes de l’impiété sont bien inutiles ; si au contraire, c’est un culte légitime et pieux, comme on y trouve l’ordre de ne pas adorer les divinités païennes, il y a donc impiété a les adorer. Mais, si les dieux des nations proscrivent ce culte avec tant de défiance et de mystère, que le téméraire désir de l’empêcher cède à la crainte de se faire entendre ; ne voit-on pas, ne sent-on pas à l’instant qu’il faut reconnaître et adorer un Dieu qui défend le culte des autres avec toute sorte de publicité, qui a ordonné de renverser leurs idoles, qui en a prédit la ruine et qui les a de fait renversées par la prédication de l’Évangile, plutôt que des dieux timides ou sans vertu, qui n’ont rien ordonné, rien prédit, rien pu contre lui ? Car de leur part nous ne connaissons, nous ne lisons, nous ne voyons rien dans ce sens. De grâce, qu’on nous réponde : quel est donc ce Dieu qui flagelle ainsi tous les dieux des nations, qui traite et pulvérise ainsi leur culte ?

CHAPITRE XXII. OPINION DES GENTILS TOUCHANT NOTRE DIEU.

30. Mais pourquoi interroger des hommes qui, au sujet du Dieu d’Israël, se sont perdus dans leurs rêveries ? Les uns disent : c’est le même que Saturne ; sans doute à cause de la sanctification du samedi chez les Juifs, cardes païens ont affecté ce jour à Saturne. Mais leur illustre Varron, qu’ils regardent comme le plus docte des Romains, veut que le Dieu des Juifs soit Jupiter ; selon lui, peu importe le nom, si l’on s’entend sur la chose ; or l’idée de la grandeur souveraine de ce Dieu, l’a, je crois, arrêté dans ses recherches. Les Romains, en effet, comme le prouve assez clairement leur Capitole, ne reconnaissent aucun dieu supérieur à Jupiter, qu’ils considèrent comme le maître de tous les dieux ; aussi Varron n’a-t-il pu imaginer rien de mieux que Jupiter, quand il a su que les Juifs adoraient le Dieu suprême. Mais, que dans le Dieu des Juifs on voie Saturne ou Jupiter, peut-on dire que jamais Saturne ait osé défendre d’adorer un autre Dieu, même Jupiter son fils qui le détrôna ? S’il plaît aux païens d’adorer Jupiter comme plus puissant et vainqueur de son père ; alors qu’ils n’adorent pas Saturne vaincu et chassé du ciel. Mais Jupiter n’a pas défendu non plus de l’adorer, et s’il a pu le vaincre, il lui a permis aussi d’être un dieu.