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qu’il fallait invoquer les bons génies et apaiser les mauvais démons ? Qu’ils aient donc jugé bon ou mauvais le Dieu d’Israël, pourquoi n’ont-ils cru devoir ni l’invoquer ni l’apaiser ? Et quel est donc ce Dieu ou tellement ignoré qu’on ne le trouve pas jusqu’alors dans l’immense multitude des divinités païennes, ou tellement connu qu’aujourd’hui il est seul adoré par tant d’hommes ? Pour justifier le rejet de son culte on ne peut plus alléguer d’autre raison qu’un ordre et une défense du même Dieu d’Israël, ordre de l’adorer lui seul, défense d’adorer les dieux du paganisme qui étaient en possession des hommages du monde. Mais il faut presser nos adversaires de dire quel est, suivant eux, ce Dieu qui défend d’adorer les autres dieux en l’honneur desquels se sont élevés tant de temples et d’idoles ; quelle est la grandeur d’un Dieu dont la volonté a eu plus de pouvoir pour détruire l’idolâtrie que. n’en ont eu les Romains pour empêcher de recevoir son culte ? Tout le monde tonnait sans doute la maxime de ce philosophe, le plus sage des hommes, au dire des païens et d’Apollon lui-même. La maxime de Socrate est qu’il faut rendre à chaque Dieu le culte que lui-même a prescrit. Pour ne point contredire à cette règle, les Romains se voyaient dans l’étrange nécessité de ne pas adorer le Dieu des Hébreux ; car, en voulant l’adorer d’une manière opposée à ses ordonnances ils ne l’auraient pas adoré lui-même, mais bien le fantôme de leur imagination ; et en l’adorant comme ce Dieu voulait être adoré, ils s’obligeaient, pour respecter sa défense, à ne pas adorer les autres dieux. Ainsi ont-ils rejeté le culte du seul vrai Dieu dans la crainte d’offenser une multitude de faux dieux, pensant que la colère de ceux-ci devait leur être plus funeste que la bienveillance de celui-là ne pouvait leur être utile.

CHAPITRE XIX. LE DIEU D’ISRAËL EST LE VRAI DIEU.

21. Mais c’était une nécessité vaine et une crainte ridicule. Nous demandons maintenant ce qu’ils pensent du Dieu d’Israël, ces hommes à qui il plaît de dire que tous les dieux doivent être adorés. Si celui-là ne doit pas l’être, comment le sont-ils tous tandis qu’il ne l’est pas ? Que s’il doit être adoré, il est impossible que tous le soient puisqu’il n’est véritablement adoré qu’autant qu’on n’adore pas les autres ? Diront-ils que ce n’est pas un Dieu, quand ils appellent dieux ceux qui selon nous n’ont aucun pouvoir sans sa permission, et ne peuvent faire aucun bien ni même aucun mal, sinon aux hommes que ce maître tout-puissant juge à propos de punir ou d’éprouver ? Du reste, comme ils sont obligés d’en convenir, les dieux du paganisme n’ont montré qu’une puissance bien inférieure à la sienne. Car, s’ils sont des dieux ceux dont les devins consultés par les hommes ont fait des réponses, pour ne pas dire des mensonges, qui touchaient à des intérêts privés ; comment n’est-il pas Dieu celui dont les prophètes non-seulement ont répondu d’une manière exacte au sujet des événements du temps sur lesquels on les consultait, mais ont prédit, tant de siècles d’avance, sans être consultés, les grandes choses que nous lisons maintenant et que nous voyons accomplies à l’égard du genre humain et de toutes les nations de la terre ? S’ils tiennent pour un dieu celui dont la Sybille à reçu l’influence pour chanter les destins de Rome ; comment n’est-il pas Dieu celui qui a fait voir dans l’avenir les Romains et tous les peuples amenés à croire en lui comme au seul Dieu, par l’Évangile de Jésus-Christ, et à renverser eux-mêmes toutes les idoles de leurs pères, prédiction aujourd’hui réalisée ? Enfin, s’ils appellent dieux ceux q 1 n’ont jamais osé inspirer à leurs devins une parole qui lui soit contraire, comment n’est-il pas Dieu, lui, qui par ses prophètes a commandé de détruire leurs idoles, et a même prédit que tous les peuples, à qui il donnait l’ordre de n’adorer que lui seul, lui obéiraient, déserteraient leurs temples, et renverseraient eux-mêmes leurs autels ?

CHAPITRE XX. LES ORACLES DES PAÏENS NE DISENT RIEN CONTRE LE DIEU DES HÉBREUX.

28. Veulent-ils nous contredire ? qu’ils lisent donc, s’ils le peuvent, dans les livres de leurs sibylles ou autres devins, un oracle, annonçant que le Dieu des Hébreux serait un jour adoré de toutes les nations ; que les écrits de ses prophètes auraient assez d’autorité pour obliger l’empire Romain à les recevoir et à prescrire la destruction des idoles ; qu’il faudrait néanmoins prendre garde d’obéir à cette injonction, et que les adorateurs des autres dieux pourraient s’applaudir comme d’une conduite raisonnable