Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/129

Cette page n’a pas encore été corrigée

en punition desquels les prophètes avaient si longtemps d’avance annoncé leur ruine ; c’est que surtout, par un aveuglement monstrueux, juste châtiment d’autres péchés secrets, ils ont trempé leurs mains avec une, fureur impie dans le sang de Jésus-Christ. De plus les mêmes prophètes avaient prédit que la passion du Christ serait avantageuse aux nations. Que tout chez les Juifs ait été une prédication anticipée de Jésus-Christ, et leur royaume et leur temple, et leur sacerdoce et leurs sacrifices, et cette onction mystique dont le nom grec khrisma explique le nom de Christs donné aux rois de la nation et le nom du Christ lui-même, voici qui le démontre avec la plus grande évidence : aussitôt que Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts commença a être prêché aux gentils, toutes ces figures cessèrent à l’insu des Romains et des Juifs qui travaillaient à les détruire, les uns par leur victoire, les autres par leur défaite.

CHAPITRE XIV. TRIOMPHE DU DIEU DES HÉBREUX, PAR LA RUINE DES IDOLES ET LA CONVERSION DES NATIONS.

21. Il est une chose très-digne d’admiration, et dont ne tiennent pas compte les rares partisans du paganisme que nous voyons encore au milieu de nous : c’est que le Dieu des Hébreux, offensé par les vaincus et rejeté par les vainqueurs, est maintenant connu dans tout l’univers et adoré par toutes les nations. Aussi bien c’est du Dieu d’Israël que le prophète disait au peuple choisi, si longtemps auparavant : « Celui qui t’a délivré, le Dieu d’Israël, sera appelé le Dieu de toute la terre[1]. » Cette prédiction s’est accomplie avec le nom de Jésus-Christ, venu parmi nous du sang d’Israël, petit-fils d’Abraham qui fut la souche des Hébreux[2]; et en effet Israël lui-même avait reçu la promesse : « Que toutes les nations de la terre seraient bénies en celui qui naîtrait de sa race[3]. » On doit comprendre par là que le Dieu d’Israël, le seul vrai Dieu qui a fait le Ciel et la terre et qui conduit avec justice et miséricorde les affaires et les événements de ce monde, sans que la justice entrave la miséricorde, sans que la miséricorde soit un obstacle à la justice, n’a pas été vaincu dans son peuple Hébreu quand il a laissé les Romains prévaloir et le réduire à n’avoir plus ni royauté ni sacerdoce. Car le même Dieu d’Israël, avec l’Évangile de Jésus-Christ vrai roi et vrai prêtre, deux titres figurés par le trône et l’autel des Hébreux, abolit maintenant partout les idoles des nations, pour le maintien desquelles les Romains n’avaient pas voulu recevoir son culte comme ils avaient reçu le culte des dieux de tant d’autres peuples, forcés de reconnaître leurs lois. Il a donc laissé périr le sacerdoce et la royauté de la nation prophétique, parce que le rôle de cette nation, instrument des promesses, était sans objet, du moment que le Christ promis était venu. Et quant aux Romains vainqueurs des Juifs, il les a soumis à son nom par le Christ roi ; et en leur donnant la force, et la générosité de la foi chrétienne, il a tourné leur zèle au renversement de ces idoles pour l’honneur desquelles son culte avait d’abord été rejeté.

22. Le Christ, ce me semble, n’a point usé des artifices de la magie pour faire annoncer avant de naître, par tant de prophètes, par la royauté même et le sacerdoce de toute une nation, tout ce qui devait s’accomplir en lui. Aussi bien, le peuple Juif dont le royaume a cessé d’exister et qui, par une admirable providence de Dieu, se trouve maintenant dispersé dans tout l’univers, quoiqu’il n’ait plus aucune onction royale ou sacerdotale, quoiqu’il ait perdu cette onction appelée Chrême dans laquelle apparaît le nom du Christ, ce peuple garde encore quelques-unes de ses observances, et veut conserver sa religion : vaincu et subjugué par les Romains il a repoussé leur culte idolâtre ; ainsi il rend témoignage à Jésus-Christ par les livres des prophètes qu’il porte avec lui ; et la vérité des prédictions qui regardent Jésus-Christ trouve sa preuve, même dans les mains clé nos ennemis. Pourquoi donc. faut-il que nous voyons encore des misérables qui font connaître leur perversité en adressant au Christ de fausses et perfides louanges ? Si quelques livres de magie : ont été écrits sous son nom quand la doctrine chrétienne se montre l’ennemie déclarée de semblables pratiques, loin de s’en prévaloir contre nous, qu’ils comprennent plutôt toute la grandeur de ce nom qu’empruntent ceux-mêmes dont la vie est en opposition avec la morale du Christianisme, afin de donner du crédit à leurs criminels artifices. Car de même que des erreurs diverses parmi les hommes ont donné lieu à différentes hérésies qui s’autorisent du nom du Christ ; ainsi les ennemis mêmes du Christ pensent que leurs paroles sont dépourvues de toute autorité,

  1. Isa. 54, 6
  2. Retract. II. 16
  3. Gen. 28, 14