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faut les tourner en ridicule, ne faut-il pas rire davantage de ce qu’on les adore dans les temples ? Reste maintenant que nos adversaires veuillent être eux-mêmes témoins au sujet du Christ, eux qui se privent du mérite de savoir ce qu’ils disent en disant ce qu’ils ne savent pas. S’ils se flattent d’avoir certains livres écrits de sa main, qu’ils nous les montrent. Sans doute, des livres écrits, de leur aveu, par le plus sage des hommes, sont très-utiles et remplis des plus saines maximes. S’ils craignent de les produire, assurément ce sont de mauvais livres, qui ne peuvent être l’œuvre du plus sage des hommes : car ils disent que Jésus-Christ est le plus sage des hommes : rien donc de pareil n’a été écrit par lui.

CHAPITRE IX. JÉSUS-CHRIST A-T-IL ÉCRIT DES LIVRES DE MAGIE ?

14. Ils en viennent à ce point de démence, de prétendre que dans les livres composés, disent-ils, par lui, sont développés les artifices diaboliques à l’aide desquels, selon eux, le divin maître aurait opéré tous les miracles que la renommée a publié d’un bout du monde a l’autre. Par là ils se trahissent eux-mêmes et montrent bien ce qu’ils aiment et ce qui est l’objet de leur étude, puisqu’ils font consister la haute sagesse de Jésus-Christ dans la connaissance de je ne sais quelles pratiques illicites, que non-seulement la doctrine chrétienne, mais même le bon gouvernement de toute république terrestre condamne à juste titre. D’ailleurs, s’ils affirment avoir lu de tels livres de Jésus-Christ, pourquoi donc n’opèrent-ils aucun de ces miracles, qu’ils donnent comme le résultat des procédés magiques expliqués dans ces livres ?

CHAPITRE X. CES LIVRES ONT-ILS ÉTÉ ADRESSÉS À PIERRE ET A PAUL ?

15. Mais que dire de l’aberration où quelques-uns sont tombés par un juste jugement de Dieu ? En croyant ou en voulant faire croire que le Sauveur a écrit de pareils livres, ils disent que ces mêmes livres sont en forme de lettres, adressées à Pierre et à Paul. Et il est possible que des ennemis de la religion chrétienne ou des hommes qui ont pensé donner par le nom de Jésus plus de crédit aux exécrables pratiques de la magie, aient écrit de tels livres sous ce nom glorieux en y joignant les noms des princes des Apôtres. Dans cette insigne et audacieuse fourberie, ils se sont montrés tellement aveugles et insensés, qu’ils deviennent à juste titre l’objet du mépris et de la risée des enfants mêmes qui encore au rang des lecteurs connaissent suivant leur âge les lettres chrétiennes.

16. Ces païens donc voulant persuader, contre toute vérité, que le Sauveur a écrit à ses disciples quelque chose de pareil, pensèrent qu’on les croirait plus facilement s’ils affirmaient que ses lettres sont adressées à des hommes liés avec lui d’une amitié plus étroite et dignes de recevoir la communication d’un secret. Pierre et Paul se sont présentés à leur esprit. Sans doute c’est parce qu’ils ont vu, en plusieurs endroits, les images de ces deux Apôtres à côté de celle de Jésus-Christ ; et parce que l’Église de Rome honore d’une manière spéciale, dans une fête commune, les mérites de saint Pierre et de saint Paul qui ont reçu, le même jour, la couronne du martyre. Ces hommes ont mérité d’être ainsi les jouets d’une erreur grossière en cherchant, non dans les livres saints, mais dans les peintures des murailles, la connaissance de Jésus-Christ et des Apôtres : et il n’est pas étonnant que ceux qui sont dans l’usage de donner à la fiction les droits de la vérité, aient été trompés par les peintres. En effet, tant que Jésus-Christ vécut dans sa chair mortelle avec les disciples qu’il avait choisis, Paul n’était pas encore du nombre de ces derniers. Ce fut seulement après la passion du Sauveur, après sa résurrection, son ascension et la descente du Saint-Esprit, après la conversion miraculeuse de beaucoup de Juifs à la foi chrétienne, après la mort d’Étienne diacre et premier martyr, que Jésus-Christ l’appela du haut du ciel et en fit sols disciple et son Apôtre[1]. Jusque-là il portait encore le nom de Saul et poursuivait à outrance les fidèles du divin maître. Comment donc Jésus-Christ aurait-il pu adresser aux Apôtres Pierre et Paul, comme à ses disciples, les plus familiers, les livres que l’on prétend avoir été rédigés par lui avant sa mort, puisque Paul n’était pas encore son disciple ?

CHAPITRE XI. JÉSUS N’A PAS PU S’ATTACHER LES PEUPLES PAR LA MAGIE.

17. Nous prions encore ceux qui veulent, dans leur folie, que Jésus-Christ ait pu opérer tant de

  1. Act. 9, 1-30