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témérité de ceux qui prétendent produire des accusations assez bien fondées contre les livres de l’Évangile, écrits séparément par les quatre Évangélistes. Pour remplir notre dessein, il faut montrer que ces quatre auteurs ne sont nullement en désaccord. Car on a coutume de nous opposer, comme le triomphe d’un système plein d’erreurs, que les Évangélistes sont en contradiction les uns avec les autres.

11. Mais d’abord, nous devons répondre à ceux qui croient soulever une difficulté sérieuse en trous demandant pourquoi Notre-Seigneur n’a lui-même rien écrit, et a mis les hommes dans la nécessité de déférer, en ce qui le regarde, à des livres composés par d’autres personnages. Car voilà ce qu’objectent principalement ces païens qui n’osent accuser ou blasphémer Jésus-Christ en personne et lui accordent une sagesse supérieure, humaine toutefois ; ils prétendent que ses disciples l’ont fait passer pour ce qu’il n’était pas quand ils l’ont proclamé Fils de Dieu, un avec Dieu le Père, Verbe de Dieu par qui toutes choses ont été faites ; ou nous ont appris dans leurs livres à lui donner quelque autre nom qui oblige de l’adorer comme un seul Dieu avec le Père. Ces païens pensent donc qu’il faut l’honorer comme le plus sage des hommes ; ils nient qu’on puisse l’adorer comme un Dieu.

12. Or, quand ils demandent pourquoi lui-même n’a rien écrit, ils paraissent disposés à croire sur son compté ce qu’il aurait écrit de lui, et nonce que d’autres ont pu ensuite publier suivant leur bon vouloir. Mais je les prie de me dire pourquoi, au sujet de quelques-uns de leurs philosophes les plus célèbres, ils admettent ce que des disciples en ont écrit, ces philosophes n’ayant eux-mêmes laissé aucun livre pour se faire connaître à la postérité ? Car ils savent que Pythagore, le plus illustre représentant de la vertu contemplative parmi les Grecs, n’a pas écrit un mot ni de lui ni d’aucune chose. Un philosophe qu’ils élèvent au-dessus de tout le monde dans la vertu active, dont l’objet est de former les mœurs, et qu’Appollon lui-même, si on les en croit, a déclaré le plus sage des hommes, Socrate s’est contenté d’ajouter quelques vers aux fables d’Esope, consacrant ainsi son style et sa poésie à l’ouvrage d’un autre. Bien qu’il n’ait alors prêté les ornements de sa parole qu’aux pensées du fabuliste, non aux siennes, il a dit, au rapport de Platon, son plus célèbre disciple, qu’il avait été contraint par son démon familier : tant il était loin de vouloir rien écrire ! Pourquoi donc au sujet de Socrate et de Pythagore croient-ils ce que des disciples en ont écrit, et refissent-ils de croire ce que les disciples de Jésus-Christ nous disent de lui dans leurs livres ? Car enfin, s’ils nient sa divinité, ils n’hésitent pas à reconnaître qu’il surpasse tout le monde en sagesse. Est-ce que ces philosophes, qu’ils mettent bien au-dessous de lui, ont pu former des disciples véridiques à leur égard, tandis que lui-même n’a pas eu ce pouvoir ? Si c’est là une absurdité, qu’ils croient de celui dont ils affirment la haute sagesse, non ce qu’ils veulent, mais ce qu’ils lisent dans les livres des disciples qui ont appris de ce sage les vérités contenues dans leurs écrits.

CHAPITRE VIII. LA DIVINITÉ DE JÉSUS-CHRIST ET SA RÉPUTATION.

13. Qu’ils nous disent du moins, d’où ils ont pu savoir ou entendre que Jésus-Christ fut le plus sage des hommes. S’ils l’ont appris de la renommée qui l’a dit partout, la renommée est-elle à son égard une messagère plus sûre que ses disciples, dont la renommée elle-même ne fait que publier les prédications dans l’univers entier ? Enfin qu’ils comparent renommée à renommée et admettent pour lui celle qui est la plus grande. Celle qui s’est propagée d’une manière si éclatante, grâce à l’Église Catholique, dont ils voient avec tant de surprise le développement prodigieux dans tout l’univers, triomphe incontestablement de leurs misérables rumeurs. Elle les écrase par son caractère de grandeur et de célébrité ; ils sont obligés de dévorer en silence leurs faibles et timides reproches de petites contradictions, et ils craignent qu’on les entende bien plus qu’ils ne veulent être crus, quand ils la voient déclarer ouvertement que Jésus-Christ est le Fils unique de Dieu, Dieu lui-même par qui toutes choses ont été faites. S’ils prennent donc la renommée pour témoin, que ne donnent-ils la préférence à celle qui brille avec tant d’éclat ? Si c’est l’Écriture, pourquoi pas les livres de l’Évangile qui jouit d’une telle autorité ? Pour nous, certainement, nous croyons d leur Dieu ce que nous en apprennent leurs plus anciens écrits et la renommée la plus célèbre. Si l’on doit les adorer, pourquoi s’en moque-t-on sur les théâtres ? Et s’il