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applique le lénitif des paroles, souvent il tranche, il attaque l’endroit douloureux avec le fer de la chirurgie ; reconnais alors la main du médecin ; fais un aveu, et que cet aveu fasse écouler tout le pus de la plaie ; tressaille ensuite et sois dans la joie ; le reste sera bientôt guéri. « Que les peuples vous confessent, ô mon Dieu, que tous les peuples « vous bénissent ! » Et à cause de leur confession, « que les nations soient dans la joie et dans l’allégresse, parce que vous jugez les peuples dans l’équité ». Nul ne saurait vous tromper ; qu’il se réjouisse d’être jugé, celui qui a craint son juge. Dans sa prévoyance, il a prévenu sa face par l’aveu[1] ; et quand ce juge viendra, il jugera les peuples dans l’équité. De quoi servira la ruse de l’accusateur dès que la conscience est témoin, alors que tu seras là en présence de ta cause, et que le juge ne requiert aucun témoin ? Il t’a envoyé un avocat : à cause de lui et par lui fais ion aveu ; prends en main ta cause, il est un défenseur pour le pénitent, un intercesseur pour celui qui avoue, et pour l’innocent un juge. Peux-tu craindre avec raison, quand c’est ton avocat qui est ton juge ? « Que les nations donc soient dans la joie, qu’elles tressaillent, parce que vous jugez les peuples avec justice ». Mais ils pourront redouter d’être mal jugés ; qu’ils se laissent redresser et diriger par celui qui voit ce qu’ils ont à juger. Qu’ils soient redressés ici-bas, et qu’ils ne craignent plus le jugement. Voyez ce qui est dit dans un autre Psaume : « Sauvez-moi, Seigneur, par votre nom, et jugez-moi dans votre puissance[2] ». Que dit-il ? Si vous ne me sauvez pas d’abord en votre nom, j’ai tout à craindre quand vous me jugerez dans votre puissance ; mais si votre nom est pour moi un nom de salut, comment craindre celui qui me jugera dans sa puissance et dont le nom m’a d’abord sauvé ? Ainsi encore dans cet endroit : « Que tous les peuples vous confessent ! » Et de peur que vous n’en veniez à redouter cette confession, « que les nations », dit-il, « soient dans la joie et dans l’allégresse ! » Pourquoi « cette joie et cette allégresse ? Parce que vous jugez les peuples dans l’équité ». Nul contre nous ne vous fait des présents, nul ne peut vous corrompre, nul vous tromper. Sois donc en sûreté, ô mon frère. Mais qu’as-tu pour ta défense ? Nul ne peut corrompre Dieu, c’est évident. Mais n’a-t-il pas d’autant plus à craindre qu’il est plus corruptible ? Quelle est donc la garantie de sûreté ? Cette parole déjà émise : « O Dieu, sauvez-moi par votre nom, et jugez-moi dans votre puissance ». De même ici encore : « Que les nations soient dans la joie et dans l’allégresse, parce que vous jugez les peuples dans l’équité ». Et pour ôter la crainte aux pécheurs, il ajoute : « Et vous dirigez les nations sur cette terre ». Les nations étaient dépravées, elles étaient dans la voie de perdition, elles étaient corrompues ; leur dépravation, leur perdition, leur corruption leur faisait redouter l’avènement du souverain Juge : sa main s’est montrée, elle s’est étendue miséricordieuse sue les peuples, ils sont dirigés dans la voie droite ; comment craindre pour juge celui qu’elles ont vu les redresser ? Qu’elles s’abandonnent à sa main miséricordieuse, puisqu’il dirige les nations sur la terre. Sous sa direction, les peuples ont marché dans la foi, ont tressailli en lui, ont fait de bonnes œuvres ; et si dans leur navigation sur la mer, l’eau entre parfois par les moindres fissures, si par quelque fente elle arrive dans la sentine, en l’épuisant chaque jour au moyen des bonnes œuvres, de peur qu’elle n’entre davantage, et qu’arrivant au comble elle ne fasse sombrer le navire, en l’épuisant chaque jour par la prière, le jeûne, l’aumône, et surtout en disant avec un cœur pur : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés[3] » ; en parlant ainsi, marche en toute sûreté, tressaille dans ton chemin, chante sur ta route. Ne crains point ton juge ; il a été ton Sauveur avant que tu fusses fidèle. Tu étais impie, quand il t’a cherché pour te racheter : t’abandonnera-t-il pour te perdre, maintenant que tu es racheté, « lui qui dirige les peuples en cette terre ? »
8. Le Prophète est dans la joie, il tressaille, il répète pour nous exhorter les mêmes versets. « Que les peuples vous confessent, ô mon Dieu, que tous les peuples vous confessent : la terre a donné son fruit[4] ». Quel fruit ? « Que tons les peuples vous confessent ! » La terre existait, elle était couverte d’épines alors est venue la main de celui qui les arrache, est venu

  1. Ps. 94,2
  2. Ps. 53,3
  3. Mt. 6,12
  4. Ps. 66,6